Ce soir n'était pas une soirée très agréable pour toi, Alexis Harmony Windfield. Bien au contraire même. Elle s'annonçait pourtant bien, tu ignorais comment cela avait pu dégénérer à ce point. Tu avais une chasse prévue depuis quelques jours sur les bras, tu avais attendue un peu avant de te lancer car tu voulais être certaine d'être prête et que tout se passerait comme tu l'avais prévu. Tu traquais un vampire relativement coriace, et tu voulais l'avoir, tu te devais donc de mettre toutes les chances de ton côté ! Après une vérification méticuleuse de tout ton matériel et après t'être habillée en fonction de la météo plutôt humide, tu avais jeté ton sac sur ton épaule et avais quitté ton petit appartement miteux – c'était le seul endroit avec un toit que tu avais pu t'offrir avec tes maigres économies – prenant grand soin de verrouiller la porte derrière toi. Ceci fait, tu t'empressas de rejoindre les entrailles de la ville et de te mettre en route vers l'endroit où ta proie devait se trouver. Ce n'était qu'une théorie que tu avais pu échafauder avec les informations que tu avais recueillis durant la semaine précédente. Tu étais plutôt confiante ; jusque là, aucune chasse n'avait réellement mal tourné – certes tu avais déjà prit quelques coups indésirables, récolté une ou deux égratignures mais pas plus – et il n'y avait aucune raison que cela change ce soir. Non, vraiment. Tu avais tout prévu et cela allait se dérouler comme d'habitude, de façon rapide et efficace.
Sauf que tu n'avais pas prévu qu'il se mettrait à pleuvoir comme … comme tu ne savais trop quoi. Tu savais juste qu'en moins de temps qu'il en fallut pour dire ''oups'', tes vêtements te collaient à la peau, tes cheveux dégoulinaient d'eau et tes lèvres tremblaient à cause de l'humidité et du froid. Il aurait été plus sage de rentrer et remettre cette chasse à plus tard, tu le savais, cependant tu ignorais pourquoi tu avais voulu persévérer ; peut-être était-ce dut à ce trait de caractère qu'était l'entêtement qui se transmettait de génération en génération au sein de la famille Windfield. Tu t'étais mise en tête de trouver ce vampire fauteur de trouble coûte que coûte, tu n'allais donc pas abandonner si près du but. Tu n'étais vraiment pas raisonnable, tu le savais, mais tu n'avais aucune envie de rentrer bredouille ; tu n'avais pas mouillé ta veste – dans tous les sens du terme – pour rien. Forte de cette détermination, tu t'étais remise au travail. Aussi discrète que tu pouvais l'être avec des bottes remplies d'eau, tu t'étais approchée de ton suspect et …

Et ce fut à ce moment-là que tout dégénéra. Trempée comme si tu étais tombée au beau milieu d'un lac, tes vêtements s'étaient faits lourds et peu pratiques, ralentissant tes mouvements. Tu étais bien plus maladroite et nettement moins à l'aise. La pluie qui ne cessait de tomber obscurcissait ton champ de vision, ce qui t'empêcha donc de voir convenablement la réaction de l'interpellé. Sans trop comprendre comment, tu te retrouvas les quatre fers en l'air et une silhouette imposante bloquait le moindre de tes mouvements. Il n'y avait donc plus aucun doute à avoir ; ton suspect était bien le coupable. Tu te débattis comme tu le pus, et par un moyen qui te semblait encore obscur, tu parvins à te libérer de l'étreinte de la créature. Tu la mis en fuite en te saisissant de ton arme.
Une fois de nouveau seule, tu juras entre tes dents serrées et commenças à t'examiner sous toutes les coutures, cherchant quelque égratignure ou blessure que tu avais pu te faire durant cette chasse imprudente. Ton jeans s'était déchiré au niveau de ton genoux droit, laissant apparaître une écorchure qui saignait abondamment. La paume de tes mains n'étaient guère en meilleur état, laissant voir ici et là ta peau qui avait râpé sur le sol dur et humide lors de ta chute. Mais à part cela, tu n'avais pas grand chose. Tu soupiras ; cela aurait pu être pire. Tu fis un pas, avant de grimacer, ton genoux blessé était douloureux et, comme mû par sa propre volonté, refusait de se plier convenablement. Tu avançais donc d'une façon assez drôle, boitillant jusqu'à trouver un banc – certes mouillé, mais ce banc était salvateur, vu la position dans laquelle tu te trouvais – et te laissas tomber dessus. Tu sortis ton téléphone de la poche de ta veste et composas rapidement un numéros que tu connaissais quasiment par cœur. Il ne s'agissait pas du numéros de l'un de tes frères, oh non ! Tu avais coupé les ponts avec eux il y avait plus d'un an de cela. Non, ce soir tu avais besoin de l'aide d'un confrère chasseur. Morgan K. O'Connor … Tu ne faisais pas appel à lui de gaieté de cœur, fierté oblige, cependant même si tu passais plus de temps à te prendre le bec avec lui, il n'était pas de mauvaise compagnie. Et puis, il était l'une des seules personnes à qui tu accordais un tant soit peu de confiance et sur qui tu te reposais de temps à autres. Après tout, il était un ami de Thimothy, il ne pouvait avoir un mauvais fond.

Lâchant un ultime soupir lorsque tu tombas sur la messagerie vocale de ton aîné chasseur, tu te mordis la lèvre inférieure avant de te décider à finalement laisser un message.

« Hm. Morgan .. ? C'est Alex' … Écoute, j'ai un p'tit pépin là. J'ai le genoux un peu charcuté, j'suis dans la rue sous la pluie, j'ai du mal à marcher, tu pourrais venir me récupérer s'il te plaît ? Et prendre des pansements avec toi, je risque d'en avoir besoin. Ce serait sympa. Hmm … Merci .. ? J'suis juste devant un restau' avec des couleurs assez moche, qui s'appelle ''Jacky's'', tu pourras pas me louper, j'ressemble à une clocharde. Envoie moi un texto quand tu as mon message. A plus' ... »

Tu appuyas sur le petit téléphone rouge qui marqua la fin de ton monologue et fixa l'objet plutôt archaïque qui te servait de téléphone – vous savez, le genre qui n'a qu'une seule sonnerie et avec les couleurs qui dégueulent un peu – d'un œil critique. Tu avais jeté ton vieux téléphone quand tu avais quitté le domicile familial, histoire de couvrir tes traces pour que l'aîné de ta fratrie ne cherche pas à te ramener à la maison en te tirant par les cheveux. Tu grimaças en chassant rapidement cette pensée assez barbare et rangeas ton téléphone.
Tu espérais sincèrement que Morgan n'allait pas trop tarder, tu commençais à avoir sérieusement froid. Et puis, avec la chance que tu avais ce soir, Dieu seul savait quelle tuile pourrait encore te tomber dessus.

Morgan a écrit:

J’arrive Windfield Junior !

Tu passas une main parmi tes mèches mouillées, défaisant au passage le chignon que tu avais soigneusement noué avant de partir. Ta longue chevelure brune tomba en cascade autour de toi, s'arrêtant au milieu de ton dos et t'offrant un abri précaire contre la pluie. Pour la énième fois en moins d'une demi-heure, tu contemplas l'écran qui n'annonçait – malheureusement pour toi – rien de nouveau. Cela faisait un peu plus de vingt minutes que tu avais tenté de joindre Morgan, et toujours aucune réponse. Ce n'était pas que tu t'ennuyais, mais presque … Non, la réelle raison de ton impatience était que tu commençais vraiment à avoir froid. La pluie n’avait de cesse de s’abattre sur toi et tu n’avais pas le moindre parapluie sous la main, sans compter le fait que ton genoux te faisait quelque peu souffrir et t’empêchait de te mouvoir. Magnifique. Tu te penchas un peu en avant pour examiner d’avantage ton genou, et pus constater avec un certain soulagement qu’il ne s’agissait-là que d’une égratignure un peu gênante. Avec un peu de désinfectant et à grand renfort de pansement, tout devrait cicatriser d’ici quelques jours gros maximum. Ce devait être le choc de ta chute qui provoquait une douleur telle que celle que tu ressentais. Oh, ce n’était pas énorme, juste suffisant pour que tu ressentes une gêne assez conséquente lorsque tu marchais et pour que tu appelles Morgan au secours. Tu soupiras.
Ton téléphone se mit soudainement à vibrer, et tu réprimas avec peine un sursaut de surprise. Ah. Enfin une réponse de l’autre chasseur ! L’ombre d’un sourire soulagé vint naître sur le coin de tes lèvres alors que tu lisais son message. Ce n’était maintenant plus qu’une question de minutes avant que le plus vieux n’arrive et ne t’aide à rentrer chez toi. Ah … Ce que tu pouvais avoir hâte de retourner entre les quatre murs de ton appartement, te faire couler un bon bain bien chaud et ensuite de glisser entre les draps de ton lit douillet … Vivement que Morgan arrive. D’ailleurs, en parlant du loup, ce dernier n’avait vraiment pas trainé en chemin. Tu le voyais déjà au coin de la rue et alors qu’il se rapprochait, tu crus voir une lueur désapprobatrice dans son regard. Tu préféras ne pas commenter ça, ça n’en valait décidemment pas la peine. A la place, tu te contentas de lui obéir sans rien dire lorsqu’il te demanda de poser ta jambe sur les siennes, afin qu’il puisse jeter un coup d’œil à ton genou. Tu reniflas, voulant prendre un air détaché, et crus bon de jouer les dures.

« C’est pas grand-chose, t’sais … Juste une belle égratignure qui … »

Tu ne pus finir ta phrase car, à ta plus grande surprise, l’homme avait sorti une bouteille d’eau de son sac et en renversait son contenu sur la peau à vif de ton articulation. Tu te mordis l’intérieur des joues pour retenir une protestation des plus … originales dirons-nous, et lanças un regard noir à ton aîné. Ah, franchement. Il aurait pu te prévenir tout de même ! Tu espérais qu’il n’avait pas remarqué ta réaction ; toi qui prenais toujours des allures de dur à cuir, ta fierté risquait d’en prendre un sacré coup si Morgan se rendait compte que tu grimaçais à cause d’un peu d’eau et de désinfectant sur une égratignure toute bête. Et surtout, tu n’aurais pas fini d’en entendre parler. Chose que tu préférais éviter à tout prix, car tu n’étais pas sûre de pouvoir garder ton calme face aux moqueries – certes sans méchanceté – du chasseur ; tu n’avais jamais été réputée pour ta diplomatie, et tu craignais qu’un geste malheureux ne t’échappe.
Enfin … Une fois ton genou bandé et ton pantalon remit en place, le brun crut bon de préciser que ta partie de chasse était terminée. Tu levas les yeux au ciel pendant un instant avant de le regarder droit dans les yeux, l’air blasé.

« Non, vraiment ? dis-tu, pleine d’ironie et en remettant en place les mèches qu’il avait cru bon de mettre en bazar, parce que je me sens bien piquer un p’tit sprint-là, pour rattraper ma proie du soir .. ! »

Tu ne devrais pas parler ainsi à Morgan, tu le savais. Après tout, il n’était pas obligé de te venir en aide lorsque tu lui passais un coup de fil en express, il n’était pas obligé de garder un œil sur toi comme il le faisait … Et ce, bien qu’il ait encore des contacts avec Thimothy, l’un de tes frères aînés. Rien ne l’empêchait de lui dire que tu te portais comme un charme, que tu te débrouillais très bien seule. Oui, il pouvait très bien faire cela, sauf que le chasseur répondait – même avec du retard – à chaque fois que tu lui demandais un coup de main. Et toi tu te montrais sèche avec lui, distante et peu aimable, tu ne pouvais t’empêcher d’être un brin désagréable alors qu’un simple merci aurait suffi à clore le débat … C’était plus fort que toi, tu étais faite ainsi. Et tu espérais qu’au fond Morgan ne t’en voudrait pas tant que ça pour la façon dont tu te comportais avec lui.
Tu fus d’ailleurs tirée de tes pensées par la voix de ce dernier qui te demandait comment tu avais pu finir par t’échouer sur un banc par un temps pareil. Tu soupiras et le regardas du coin de l’œil, embarrassée.

« Un vampire mal luné … Tu vois le genre ? J’avais prévu d’attendre à l’aube, mais les choses se sont pas passées comme je le voulais. J’sais pas comment, il a su que j’étais pas là pour taper la causette et il m’a sauté dessus. J’ai réussis à me débarrasser de lui, il a filé, et voilà, fin de l’histoire. »

Tu préféras ne pas commenter sa dernière remarque sur le fait qu’il était soulagé de ne pas avoir de cadette, mais tu ne t’en sentis pas moins agacée. Ce n’était pas si terrible d’avoir une petite sœur, hein, après tout, tes frères aînés avaient bien survécu à ta présence durant les vingt-trois premières années de ta vie !
Alors que tu t’apprêtais à te relever, tu entendis une voix que tu aurais préféré ne pas entendre ce soir. Ou à un autre moment en fait. Tu grinças des dents en regardant par-dessus ton épaule. Symphonia, un phœnix envers qui tu avais une certaine rancœur, venait d’apparaître – ou plutôt tu ne l’avais pas vu ni entendu arriver, honte à toi – au beau milieu de cette rue déserte et avait cru bon de venir vous voir. Ô joie … Tu la fusillas du regard. Si Morgan n’était pas juste à côté de toi, tu n’aurais pas retenu les mots emplis de hargne qui te brûlaient la langue, cependant le chasseur croyait bon de prendre la défense de la demoiselle. Pourquoi ? Tu n’en savais rien, mais tu étais persuadée qu’il te cachait quelque chose d’important à propos de la démone et cela ne te plaisait guère. Enfin. Tes muscles se tendirent lorsque la rousse te proposa de te réchauffer et un rire sans joie ni amusement s’échappa d’entre tes lèvres tremblantes. Tu lui adressas ensuite un sourire crispé.

« J’te pensais pas si généreuse … Comme quoi on en apprend tous les jours, hm. Enfin, merci quand même, mais j’repasserai, il fait pas si froid que ça. »

Tu mentais de façon éhontée, tu étais transie de froid. Mais plutôt crevée que de rentrer dans le jeu du phœnix.

Tu pouvais littéralement entendre l’air provocant que ce donnait le démon qui venait d’apparaître, te mettant les nerfs en pelote. Tu n’aimais pas ces créatures, te sentant étrangement inférieure à eux, et tu détestais cela. Ça n’avait aucun rapport avec l’orgueil bien proportionné que tu avais, non ; tu les trouvais juste imprévisible au possible et cela te mettait mal à l’aise. Ils avaient ces capacités surnaturelles qui les mettaient sur la marche supérieure du podium, laissant les humains armés jusqu’aux dents comme toi et Morgan les contempler d’en bas. Mais le pire dans tout cela était que ces créatures avaient un esprit retors, tordu, qui faisait qu’ils n’avaient souvent aucun remord à s’en prendre à vous autres, êtres – presque – sans défenses. C’était terriblement injuste, et l’impression que tu avais était renforcée par la légère blessure que tu venais d’acquérir. Un genou écorché, rien de bien grave en soit, mais la douleur était assez vive car tu faisais bien les choses ; la peau de ton genou était abîmée juste au niveau de l’articulation, là il y avait tous les nerfs. A chaque fois que tu marchais, ton corps envoyait des signaux à ton cerveau qui t’empêchaient de te mouvoir convenablement. La soirée était déjà bien pourrie à cause de cela … Et comme tu n’étais pas une demoiselle très chanceuse, il avait fallu qu’un démon fasse son apparition. Tu n’étais clairement pas en position de force et cela te mettait réellement mal à l’aise. Tu avais beau avoir tes armes à portée de main, tu savais qu’elles ne seraient pas efficaces à l’encontre de la demoiselle.
Alors heureusement que Morgan était là. Avec son attitude nonchalante et ses menaces minables – telle que celle de vous faire lutter dans la boue – , il parvenait à faire évacuer la tension ambiante qu’il y avait entre toi et le phœnix. L’ombre d’un sourire un brin amusé vint naître au coin de tes lèvres. Il n’y avait vraiment que lui pour sortir ce genre d’idioties dans une situation pareille. Si venant d’une autre personne cela t’aurait plus qu’agacé, ce n’était pas le cas pour le plus vieux chasseur ; tu savais qu’il était ainsi fait et tu avais fini par t’y habituer. Depuis le temps que tu le fréquentais – grâce à ton aîné Tim’ – tu avais eu l’occasion de te faire au comportement plutôt atypique de l’ancienne rock-star. Néanmoins, ton sourire mourut bien vite lorsque le brun annonça haut et fort que tu étais trop faible pour tenir tête à la rouquine. Un air indigné se peignit sur ton visage alors que tu entrouvris la bouche, puis la referma rapidement. Tu lanças un regard assassin à l’autre chasseur ; tu savais qu’il avait raison dans le fond, mais cela ne justifiait pas le fait qu’il exposait ta faiblesse à la vue d’un potentiel ennemi. Aussi, ne pus-tu décemment pas laisser passer cette remarque sans rien dire.

« Trop faible ? marmonnas-tu. Tu m’as bien regardé ? Tu crois que si j’étais trop faible – comme tu dis – mes frères m’auraient laissé me balader seule ? Tsk ! »

C’était de la mauvaise foi, oui, mais tu ne pouvais t’empêcher de défendre ton orgueil très légèrement bafouer. Tu ne pus toutefois pas retenir un petit ricanement quand Morgan en fit de même pour le phœnix ; il était vrai que par temps humide, ces créatures n’étaient pas des plus à craindre. Aussi, tu lanças un regard et un petit sourire moqueur à l’adresse de la miss, qui semblait loin d’être ravie par la remarque de ton homologue. Ahah, ainsi tout le monde en prenait pour son grade ce soir. Son attitude provocante semblait avoir cédé sa place à une attitude plus sombre. Tant mieux, tu supportais mal son attitude désinvolte !
Soudainement, la jeune femme proposa que vous entriez dans le restau’ qui se trouvait juste derrière vous, et tu fus bien obligée d’avouer que tu trouvais son idée plutôt bonne. Transie de froid, tu mourrais d’envie de te réchauffer à l’intérieur du bâtiment aux couleurs criardes. Mettant ta fierté de côté, tu te redressas et manifesta ton accord.

« C’est pas une mauvaise idée ouais … Allons-y. »

Tu entrepris de boitiller rapidement jusqu’à l’entrée et t’appuyas sur la porte, l’ouvrant légèrement. Tu te retournas ensuite vers tes deux interlocuteurs et leur offris un sourire un peu narquois.

« Allez, venez. C’est ma tournée ! Pour toi aussi la rouquine … J’te propose qu’on enterre la hache de guerre pour ce soir ; on règlera nos comptes plus tard, quand il ne pleuvra plus par exemple … »

Et surtout à l’abri des regards indiscrets.

Tu ne tardas pas à rentrer à l’intérieur du restaurant/bar, frissonnant de bien-être lorsqu’une chaleur salvatrice t’enveloppa, s’infiltrant sous tes vêtements humides pour caresser ta peau d’une manière très agréable. Tu faillis presque en soupirer de bien-être, cependant tu te rappelas à temps que tu n’étais pas seule et que le chasseur et la démone qui t’accompagnaient te prendraient certainement pour une folle si tu te transformais en guimauve au contact de la chaleur de l’établissement. Tu te contentas donc de laisser les deux personnes derrière toi rentrer à l’intérieur et tu les suivis pour t’installer à leurs côtés, dans un coin un peu isolé de la pièce. Tu t’assis donc à la petite table ronde, regardant autour de toi de façon instinctive. C’était comme un réflexe, lorsque tu entrais dans un endroit que tu ne connaissais pas, tu ne pouvais t’empêcher d’être nerveuse et d’examiner tous ceux qui t’entouraient et de chercher du regard de potentielles issues de secours en cas de besoin. C’était plus fort que toi. Néanmoins, quand tu constatas que tu n’avais absolument aucune crainte à avoir, tu lâchas un petit soupir soulagé et t’autorisas à te détendre sur ton siège.
La voix de Morgan te rappela à la réalité, t’interrogeant sur les projets que tu avais pour le restant de la soirée. Dit comme cela, ça avait un côté un peu pervers … Enfin avant que le chasseur ne cherche à se rattraper, en ajoutant qu’il s’agissait là de dormir et non d’une toute autre activité. Tu le regardas quelques secondes avec un regard et un sourire un brin moqueur. Tu connaissais la réputation de ton aîné, et même si tu étais décidée à ne pas te faire piéger, cela ne voulait pas dire que tu ne pouvais pas t’en amuser. Alors avec un brin d’ironie, tu lui répondis avec un air faussement charmeur.

« Ca dépend … Le lit est assez grand … et spacieux, chez toi ? »

Et tu ne pus réprimer un ricanement moqueur. Tu dus toutefois t’interrompre dans ton excès d’hilarité car quelqu’un venait d’arriver pour prendre votre commande. Tu laissas les deux autres annoncer ce qui leur ferait plaisir ce soir pour réchauffer leur corps transit de froid. Tu réfléchis quelques secondes, avant d’ouvrir la bouche, un peu renfrognée.

« Un chocolat chaud. Avec de la crème. S’il vous plaît. »

Ce fut tout ce que tu dis au serveur, sans même le regarder. Tu n’appréciais pas d’entrer en contact avec des inconnus, et tu ne te privais pas pour le montrer. Tu étais loin d’être civile avec les autres, tu t’en fichais, tu ne voulais pas faire de sentiments avec d’illustres inconnus. Tu te fichais complètement d’eux. C’était un peu dur de penser ainsi, mais tu étais faite ainsi, et tu n’étais pas prête de changer. Tu baillas alors que le phœnix et le chasseur entretenaient une discussion quelconque. Tu n’y prêtas pas attention et préféras attendre calmement que vos boissons arrivent. Une fois ta tasse en face de toi, tu te jetas presque dessus, te brûlant la langue au passage. Tu toussas discrètement, et reposas ta tasse sur la table. Okay. Tu avais compris, il fallait attendre un peu avant de boire … C’était putain de chaud.

La soirée qui était la tienne était des plus étranges. Enfin, c’était surtout qu’elle ne se déroulait pas comme prévue. Tu avais juste eu pour projet de clore un cas sur lequel tu étais depuis quelques jours maintenant, rien de plus … Et pourtant te voilà attablée avec un compatriote chasseur et une démone … La soirée ne pourrait être plus étrange, te dis-tu, sans pour autant te lever de ta chaise et courir te réfugier dans l’ambiance rassurante de ton petit appartement. Il faisait beaucoup trop froid à l’extérieur pour que tu oses mettre le nez dehors. Et puis, ce n’était pas si terrible, la compagnie que tu avais n’était pas si mauvaise que ce que tu voulais bien laisser entendre. Morgan n’était pas désagréable, juste un peu agaçant par moment, mais tu t’étais habituée à son comportement quelque peu immature il y avait bien longtemps. En revanche, en ce qui concernait Symphonia … La situation était un peu précaire. Depuis votre rencontre, tu n’avais jamais porté la démone dans ton cœur car elle t’avait brûlé, certes superficiellement, mais tout de même ! Oui, tu étais assez rancunière, mais tu le vivais relativement bien. Toutefois, tu avais décidé d’enterrer la hache de guerre ce soir. Ni toi ni elle n’étaient en état de vous chamailler ou d’en venir aux mains. Toi avec ton genou écorché et elle avec la pluie … Mine de rien, vous faisiez une belle paire de bras cassés à vous deux. Cette pensée t’arracha un petit sourire. Sourire qui se fana rapidement lorsque tu entendis la réponse de Morgan à ta taquinerie. Certes, il avait une chambre d’amis, certes ton aîné – Thimothy , car tu étais certaine que c’était de lui dont parlait Morgan – avait dut le menacer en ce qui te concernait vu sa réputation de coureur de jupons. Cependant, ce n’était pas cela qui t’avait fait blêmir. Non, c’était la dernière partie de sa réplique qui sous-entendait que tu n’avais pas envie de revoir ton aîné. Ce n’était pas cela du tout. Ce n’était pas que tu ne voulais pas revoir ton frère, bien au contraire même … C’était juste trop compliqué. Beaucoup trop compliqué. Thimothy était celui dont tu étais le plus proche, assurément, tu partageais tout ou presque avec lui. Et l’éloignement était difficile. Mais si jamais tu faisais le premier pas vers lui, cela voulait aussi dire que tu faisais vers le premier pas vers Simon – tu ne lui en voulais pas particulièrement, c’était juste que tu n’étais pas particulièrement proche de lui, bien qu’il soit ton frère – et Christopher – lui, par contre, tu lui en voulais encore terriblement. Et c’était hors de question. Depuis ton départ, tu n’avais contacté aucun de tes frères car tu savais pertinemment que si tu voulais parler à l’un, tu parlerais aux autres, ce qui était synonyme d’énormes prises de tête.
Tu t’étais raidie sur ta chaise suite au commentaire de ton homologue chasseur. Ta mâchoire s’était crispée et ton regard s’était fait froid. Tu le regardas longuement, l’air peu avenant, avant de prendre la parole, agressive et sur la défensive. Morgan avait touché un sujet sensible, tu étais sûre qu’il savait que tout ce qui touchait à ta famille de près ou de loin était un sujet de discussion à proscrire, surtout lorsqu’il y avait des oreilles un peu trop curieuses aux alentours. Si tu parlais de Tim’ avec lui de temps à autres, cela ne voulait pas dire qu’il pouvait faire allusion à lui à n’importe quel moment. Et tu le lui fis rapidement comprendre.

« T’sais quoi Morgan ? dis-tu froidement, complètement repliée dans tes retranchements , Tu ferais mieux de te la fermer plutôt que de dire des conneries pareilles. Tu crois que j’ai pas envie de le revoir ? Bin tu te fous le doigt dans l’œil, et bien profond. Alors, parle pas de ce que tu peux pas piger, tu me rendras service. »

Tu avais été plus brutale que ce que tu avais escompté, mais tu t’en foutais royalement. Morgan avait mérité que tu le remettes à sa place sans ménagement. Après lui avoir lancé un dernier regard plein de reproches et de colère, tu te concentras sur la tasse de chocolat chaud que l’on t’avait apporté il y a peu. La soirée avait semblé bien parti, et ce malgré la présence de la rouquine. Tu avais pensé que ça aurait pu être sympathique de passer un peu de temps avec les deux lascars, mais maintenant tu avais complètement changé d’avis. Dés que Morgan avait mentionné ton frère, ton humeur s’était instantanément dégradée et ton premier réflexe avait été de te replier sur toi-même, de te dissimuler dans la carapace que tu avais construite autour de toi. C’était puéril de réagir ainsi, tu le savais, mais tu ne pouvais pas t’en empêcher. C’était plus fort que toi. Pour te protéger et contenir tes accès de colère difficilement contrôlables, tu préférais faire la sourde oreille à tout ce qui t’entourait, préférant lancer des regards noirs à tout-va.
Chose que tu fis d’ailleurs lorsque tes deux accompagnateurs remarquèrent que tu t’étais brûlée en voulant boire trop vite ta boisson. Tu fixas d’abord Morgan d’un regard assassin, avant de tourner ton regard noisette sur Symphonia, la fixant avec tout le dédain dont tu pouvais faire preuve. Puis ceci fait, tu replongeas dans ton activité très prenante de les ignorer, contemplant d’un œil morne la couleur douce de ton chocolat chaud.