Que tout se passe bien n’était pas garanti, que ce fichu sort de retour dans le temps existe réellement ou pas. Si les frères ne pouvaient pas les suivre vraisemblablement sous peine de complexifier trop les choses et de prendre de gros risques foireux, alors ça signifiait que c’était tout aussi foireux – voir encore plus du goût de l’ainé – pour les filles seules.
La mâchoire serrée, Lip se dit que Charlie partageait un peu plus que le physique de son ancêtre… elle avait également sa tête de mule impossible à raisonner.
Mais c’était pour sa grand-mère. Les risques de danger n’avaient jamais arrêté le gardien lorsqu’il était question de son frère, pas vrai?
À la différence que lui savait se défendre avec plus de ressources que quelques sortilèges.
Et qui dit que Charlie ne savait pas se défendre avec plus que la magie?
Nop, ce n’était pas le moment pour un duel contre sa conscience! Tout son esprit se devait d’être uni contre l’adversité aujourd’hui, tout!

Insatisfait et apparemment impuissant, Lip fixa le plancher ne sachant plus trop quoi dire pour empêcher ce foutu voyage de se produire. Il pouvait faire quoi de plus? Enchainer les filles dans sa cave jusqu’à ce qu’elles décident de changer d’idée? Si elles étaient des sorcières capables de voyager dans le temps, des chaines ne les retiendraient pas longtemps de toute manière…
La main de Charlie dans la sienne était d’un certain réconfort bien que ça ne chassait absolument pas ses inquiétudes et ses retirances. Du pouce, il caressa tendrement le dos de sa main, se fichant bien que sa plaise ou non à son petit frère. Dans les circonstances, il jugeait que son cadet pouvait lui laisser un peu de coulant.
Probable que le petit frère ne serait pas d’accord avec cette perception de la chose, mais tant pis!

« Une heure. Vous y allez une heure maximum. Si vous avez pas le temps de trouver, vous revenez quand même. C’est à prendre ou à laisser. »

Non pas que cette condition était vraiment de son ressort, mais ça lui donnait quand même l’impression d’avoir eu son mot à dire. Puis, une heure était bien suffisante pour tourner à la catastrophe. Plusieurs événements pouvaient se produire en une heure que ce soit de se faire tuer ou de provoquer une situation qui changera à jamais la face du monde. Ce n’était pas pour rien que ces voyages étaient difficiles, ils étaient lourds de conséquences pouvant être irréparables.

Il le savait bien que le retour d’ « Emily » n’apporterait rien de bon, en tout cas pas à lui. Il la rencontrait à peine que déjà elle entraînait Eva avec elle dans un lieu pas franchement accueillant. Ok, théoriquement, il ne connaissait pas vraiment la blonde aussi, mais on n’allait pas le critiquer pour faire attention à elle non ?
Il était peut être borné quand il s’agissait du sosie d’une tarée du passé, et il assumait d’ailleurs parfaitement ne pas remettre en question une seule seconde son jugement à son sujet, mais les faits lui donnaient raison ! A peine débarquée, elle sautait sur son frère et entraînait sa future cavalière dans un voyage vers le passé alors que celle-ci y était déjà en réalité. Il n’était pas pro des voyages dans le temps, à vrai dire il en était même complètement inculte, et il ne savait pas si c’était bon de faire un saut de plus en arrière alors qu’on était déjà dedans, mais il était sûr d’une chose : qu’Eva se rende au VIIIème siècle en compagnie du fantôme d’Emily n’avait rien de sécurisant.
Aussi, quand il avait constaté que tout commençait à indiquer qu’il n’avait pas son mot à dire, il avait lâché un soupir, contenant avec beaucoup d’effort le mécontentement grandissant.
Au moins là-dessus, même s’il avait finit par rendre les armes, Lip était sur la même longueur d’ondes que lui.
Mais une heure… c’était déjà trop. Il pouvait s’en passer des choses en une heure !

Il pouvait toujours râler un peu plus, ou se montrer davantage autoritaire, ça n’y changerait pas grand-chose de toute manière. La décision était prise et il ne pouvait visiblement rien y faire. Même ce nouveau soupir qu’il avait lâché en levant la tête vers le plafond n’y changerait rien. Tout ce qu’il faisait, c’était manifester ce que tous savaient déjà : il n’était pas content.
Maintenant, il pouvait jouer le boudeur professionnel et rester avec les bras croisés pendant que « reviens-moi my love » se jouait près de lui, ou il pouvait aider. Et vu qu’il était hors de question qu’il sorte de l’affaire, il était resté, détournant les yeux vers son frère alors que l’autre lui avait enfin lâché la main avant de se rendre auprès d’Eva pour donner ses consignes :

« On aurait dû rester à Vegas. »

Ouais, s’ils étaient restés à Vegas, l’autre n’aurait pas profité qu’il soit obligé d’aller en cours pour sauter sur son frère et ils ne seraient pas là à préparer un voyage vers le passé où l’un comme l’autre ne pouvait même pas se rendre.
Mais notons tout de même la lueur d’intelligence de ne pas repartir sur le mode petit frère moralisateur. Il n’avait pas changé d’avis pour autant, ça on pouvait en être certain, encore plus quand il s’était relevé pour dire à Eva sans prendre la peine de l’entraîner à part :

« Tu fais attention d’accord ? »

Normalement, le conseil aurait dû être donné à son retour de chez Charlotte, il sous-entendait avec peu de discrétion que c’était dès maintenant qu’elle devait surveiller ses arrières. Il se trompait peut être sur son compte, mais il n’en n’avait rien à faire. Mieux valait prévenir que guérir.

Ah ces hommes!  Ils en faisaient une montagne pour pas grand-chose.
... Oui bon, théoriquement, reculer de plusieurs siècles dans le temps à l'aide d'un sortilège été difficile et plutôt instable n'avait rien de pas grand-chose. Mais c'était une question de principe. Ces mâles du vieux de la vieille ne supportaient pas d'être laissés en plan. C'était là le nœud du problème, bien plus que le danger relié à ce voyage.
Mais cette fois, les Cooper allaient devoir s'asseoir sur leur virilité et patienter sagement à la maison pendant que les femmes sauvaient la mise. Ça ne devait pas être bien compliqué une fois sur place. Il suffisait de repérer le bouquin sans parler à personne, mettre la main sur ce qu'elles avaient de besoin et pouf, retour à l'Artemis tout juste pour l'apéro. Franchement, qu'est-ce qui pouvait mal tourner? C'était une histoire de cinq minutes à peine!

Et si les hommes continuaient d'être mécontents de la tournure des événements, ils avaient fini par céder à leur version du plan que la blonde intitulait déjà dans son esprit "free Marlene"... Et au retour, elle se ferait l'intégrale des Free Willy pour aller avec ce thème! Ahem... Bin quoi?

« C'est parti pour une balade au huitième siècle! »

Un peu trop d'entrain, peut-être, pour quelque chose qui, normalement, devait être considéré avec sérieux, mais on ne saurait reprocher son enthousiasme à la voyante, pas vrai?
S'étant redressée sur ses pieds au moment de son petit commentaire digne des grands héros de Disney, la jeune sorcière avant levé un regard attendri sur Zach lorsque celui-ci la pria gentiment d'être prudente. Elle avait bien envie de l'embrasser devant un comportement si mignon, mais... Non, pas de mais. Si une autre se serait dit qu'il valait mieux éviter ce genre de comportement avec un homme qui n'était pas encore son petit ami, Eva, elle, avait oblitéré ce détail et, l'habitude faisant, s'était hissée sur la pointe des pieds pour déposer un rapide baiser sur les lèvres de son pas-encore-petit-ami.
En tout cas, nul doute qu’avec ce comportement, il n’allait pas tarder à le devenir!

« Mais oui, c’est pas comme si on allait affronter un démon! Juste prendre un bouquin, dis-toi que je vais faire un tour à la bibliothèque municipale. »

Blonde tête en l’air?
Hey, revenir dans le temps ne changeait pas les défauts vous savez!
Cependant, nous pouvons dire que l’un comme l’autre, ils avaient le talent de se faire du souci pour l’autre et pas pour eux-mêmes…

Sans faire un cas ni de la conversation, ni de ce baiser que le reste de l’assemblée allait forcément trouver sorti de nulle part, l’adolescente se dirigea sans attendre vers la porte, parée à se rendre chez Charlie.
Et une fois la brune avec elle, elle salua les frères d’un signe de main bien vif.

« À plus tard les gars! »

Et à peine trois pas de l’autre côté de la porte, les filles purent entendre Lip rugir à l’intérieur :

« Mais c’est qui cette fille?!! »