Qui avait-il de mieux qu’un beefsteak saignant à peine cuit sur le grill? Le manger en compagnie de la plus merveilleuse femme du monde. Cuisiner n’était pas trop leur style, encore moins avec le room service à disposition – ce malgré la présence d’une petite cuisine dans le penthouse – mais c’était encore mieux d’aller dans un beau restaurant où la note s’élèverait dans les trois chiffres minimum.
Si l’hôtesse l’avait regardé de haut – à croire qu’elle n’avait jamais vu de jeans troués de sa vie – en tout premier lieu, elle n’avait pas manqué de noter les bijoux hors de prix de sa fiancée et, ainsi, Marshall ne s’était pas fait jeté dehors comme une vieille chaussette sale. Encore heureux, autrement, le pourboire aurait été plus que lamentable!
Bref, le repas s’était extrêmement bien déroulé, avec des conversations qui tournaient principalement autour des serviettes de table du mariage, de la chanson pour la première danse et de ce tombeau de Balthazar qui selon les recherches de Roxanne devait se trouver quelque part sous la ville. Pouvoir étudier le réseau d’égout leur serait utile. C’était là que Marshall entrait en scène. Une petite visite à l’hôtel de ville pour subtiliser des plans s’imposait, mais pas aujourd’hui. Demain!

Aujourd’hui, ils avaient savouré double ration de dessert, la première à table, la deuxième dans les toilettes parce qu’ils avaient définitivement encore la mentalité d’ados en rut et que la surveillance dans ce restaurant laissait clairement à désirer, puis ils terminaient le tout par une marche tranquille pour retourner à leur hôtel.
Roxanne accrochée à son bras, Marshall s’était lancé dans le récit de sa rencontre avec un autre loup-garou. La pleine lune était dans un peu plus d’une semaine et il avait maintenant deux trois endroits susceptibles de pouvoir le contenir.

« Après l’hôtel de ville j’irai voir de quoi ça l’air. Doit bien y avoir une crypte potable qui fera l’affaire. »

Espérait-il du moins car il n’avait pas franchement envie d’aller se perdre dans les marécages à l’extérieur de la ville. Mais quoi qu’il arrive, il trouverait bien une solution, il en trouvait toujours une.

Sans trop réfléchir, il tourna dans une allée plus tranquille, jugeant qu’il s’agissait d’un petit raccourci qui leur ferait économiser un pâté de maisons. Toutefois, il ne lui fallut pas une minute pour s’arrêter de marcher et renifler l’air.
Cette odeur de mort, elle était trop commune pour qu’il ne la reconnaisse pas immédiatement.
Bien qu’il étira le bras pour barrer la taille de Roxanne de manière protectrice, un sourire confiant planait sur ses lèvres tandis que son regard se fixait sur l’ombre au bout de la ruelle.

« T’as mal choisi au menu mon gars. »

Toutefois, ce ne fut pas un mais quatre suceurs de sang qui sortirent de l’ombre.
   

Une soirée délicieuse, comme toujours. Et comme toujours, il était bien déconseillé de choisir ce moment précis pour l’appeler. Premièrement, parce qu’interrompre le moment était tout particulièrement suicidaire. Deuxièmement, selon le moment d’appel, il y avait de fortes chances de se taper le résumé d’un moment magique avec l’homme parfait. Et oui, ce genre de résumé donnait dans le détails, et il était hors de question d’épargner ce qu’avait commandé son Marshmallow, ce qu’ils avaient bu… ou encore, avec un peu de malchance si vous appartenez à la catégorie intime, du deuxième dessert dans les toilettes. Rassurons nous cependant sur ce dernier point, il fallait porter la casquette de père adoptif pour avoir le droit à ce deuxième point… moyen comme un autre de taquiner l’homme qui l’avait élevé. En même temps, quelle idée d’interrompre une soirée en amoureux ? La punition n’était qu’amplement méritée.
Bref, comme souvent, pour ne pas dire presque toujours, ils s’étaient retrouvés ensuite à faire le chemin à pieds jusqu’à l’hôtel. L’air n’était pas frais, comme la plupart du temps à la Nouvelle-Orléans, et il était agréable de se promener au bras d’un homme si séduisant.
Désormais, la conversation tournait autour de la prochaine pleine lune. Il était clair que Marshall ne pouvait séjourner à l’hôtel pour ces trois soirs où la malédiction prenait le dessus. Riches clients ou pas, ça poserait quelques problèmes évidents à la direction.

« On trouvera quelque chose d’ici là. Je suis sûre que ça manque pas dans le coin. »

Du soucis ? Sur la pleine lune qui approchait et le retour du Marshmallow poilu ? Elle ne s’en était jamais fait. Du moins pas dans son souvenir. C’était bien un sujet où elle ne se mettait pas à paniquer. C’était comme ça, se mettre à stresser ne rendrait pas les choses plus faciles. Et puis, l’amour qu’elle avait pour cet homme avait sûrement aidé dès le début, Marshall était Marshall, elle n’avait pas d’explications à donner sur son calme exemplaire face à la situation.
En revanche, concernant la situation à venir, il serait sans doute plus compliqué de garder son calme.
Si elle avait été d’abord étonnée du comportement de Marshall, bien qu’elle était habituée à ce petit avantage d’odorat depuis le temps, elle avait rapidement compris que quelque chose clochait quand le bras de son fiancé s’était étendu devant elle. Plissant des yeux, elle avait suivi son regard mais sa vue n’était pas aussi bonne que la sienne et elle avait mis plus de temps à voir où se situait le danger… ou plutôt les dangers.

« Incroyable. Tout simplement incroyable. On ne peut même plus se promener tranquillement de nos jours ! »

Assez confiante en son homme pour faire une note d’humour hein ? Certainement… mais il fallait dire aussi que la plainte était plutôt sérieuse. Les soirées en amoureux n’étaient même plus respectées !

« Vas-y mon Marshmallow, casse leur la figure ! »

L’encouragement de pompom girl était autorisé même quand le trouble-fête devenait plusieurs ? D’accord, ça méritait un ajustement :

« Mais je dois ajouter que ce genre de comportement est parfaitement déloyal ! »

Il fallait tout de même souligner que son homme était seul quand eux étaient quatre. Oui, c’était toujours mieux que de souligner la perte de crédibilité totale en matière de virilité quand on venait de se faire surnommer « Marshmallow » par une jeune femme à l’accent britannique prononcé.
Si elle savait se défendre, si Benjamin lui avait appris à survivre et si son Marshmallow lui avait ensuite appris d’autres bases, ils n’en demeuraient pas moins quatre et son homme était bien meilleur qu’elle aux jeux de violence. Elle l’avait laissé se mettre en avant même si, pour ce coup là, elle n’avait pu s’empêcher de sentir une boule d’inquiétude malgré sa forte confiance en l’homme fort. Elle ne craignait pas pour elle, mais plutôt pour son Marshmallow. Et quand elle avait vu la troupe charger, quand elle avait vu Brutus montrait les crocs devant son repas, son regard n’avait pas quitté Marshall.

S’enfuir en courant et en hurlant de peur? Non, ce n’était pas trop le style du couple qui, au fil des ans, en avait vu des vertes, des pas mures et, surtout, des pourries jusqu’à l’os! Si dans le genre résurrection des morts, le duo c’était fait une spécialité dans la momie poisseuse, il ne fallait pas croire que ces vampires étaient les premiers qui croisaient leur route. À croire que ça leur faisait plaisir de chercher des noises aux loups-garous qui se tenaient tranquillement à carreaux.
Pas de chance pour eux, s’ils cherchaient les ennuis et désiraient se rafler un casse-croûte au passage, ils seraient profondément déçus.
Ils étaient quatre contre deux? Marshall en valait au moins deux à lui tout seul. La supériorité numérique allait encore aux vampires même après ça? Et alors, l’anglais ne comptait pas lâcher l’affaire tant qu’il tenait encore debout!

« M’en parle pas, cette ville fait rien pour s’attirer les touristes. »

Se faire attaquer par des vampires aussi tôt dans leur séjour… ce n’était pas impossible, ni même la première fois, mais il faut bien dire que ça donnait quelques points en moins pour la Nouvelle Orléans dans le cœur de Marshall. Il ne restait plus qu’à espérer que le tombeau qu’ils cherchaient se trouvait bien sous la ville. La petite fortune qu’il leur ferait gagner pourrait peut-être racheter ce manque flagrant de charme.

Plissant néanmoins les yeux à la demande expresse de massacrer du vampire, Marshall tourna légèrement la tête vers sa fiancée, l’attention néanmoins restée sur les suceurs de sangs qui les encerclaient lentement.
Ils allaient s’en sortir, parce qu’ils s’en sortaient toujours, mais était-ce réellement nécessaire de piler d’avance sur leur orgueil pour les rendre plus mauvais?
Oui bon, ce ne serait pas aussi drôle sinon!
Roulant les yeux, notre homme ramena les yeux sur le vampire qui devait probablement diriger les autres si on tenait compte du fait qu’ils ne faisaient pas un pas à moins qu’il en fasse un lui-même.

« C’est vrai que t’es plutôt indigeste » constata le fameux vampire en humant légèrement l’air pour se rendre compte, qu’en effet, ça sentait le loup là-dessous. « Mais ta copine a l’air bien délicieuse. »
« Elle doit sûrement goûter le chien elle aussi depuis le temps, alors aussi bien laisser tomber tout de suite partir chacun de son côté, t’en dis quoi? »

C’était déjà peine perdue, Marshall le savait, mais on ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir essayé de dialoguer d’abord!

« J’en dis que mon patron sera pas trop content si on revient les mains vides. »
« J’te dis pas de rentrer chez-toi, juste de nous laisser tranquille. »

Il se fichait pas mal du sort des habitants de cette ville pour être bien franc. Il était ici pour affaire. Puis, les vampires dévoraient des gens toutes les nuits et ce n’était pas comme si Marshall s’était lancé dans la mission sacrée de sauver la veuve et l’orphelin, non, il voulait juste rentrer à l’hôtel avec sa copine sans avoir à se battre pour ça.  

« Et pourquoi je ferais ça? »
« Parce que sinon, j’vais te tuer? » proposa Marshall avec cette attitude confiante et débonnaire qui le caractérisait tout particulièrement.
« Tu vas essayer, au mieux. »

Le choc des titans revisité, nous nous trouvions maintenant aux prises avec le choc des assurances au torse bien bombé.
Aimant de moins en moins la tournure de la situation, Marshall grogna comme un chien qui n’aime pas le visiteur impromptu de sa maîtresse.
   

Si on demandait à Roxanne où allait sa préférence entre les vampires et les momies, elle répondrait, et ceci sans l’ombre d’une hésitation : les momies ! Certes, elles avaient parfois un petit côté idiot. Et oui, elles étaient sans aucun doute plus féroces que ces mordeurs. Mais au moins, elles avaient une certaine classe. Ici, il fallait comprendre qu’elles étaient des cadavres anciens avec une certaine valeur. Les vampires n’avaient même pas de défenses à vendre. Sans compter sur le fait qu’elle avait détesté Twilight et que son fiancé était un loup garou, ce qui, fatalement, la plaçait dans l’équipe des poilus.
Hochant la tête devant l’approbation de Marshall, elle avait ensuite reporté son attention sur les éternels assoiffés qui venaient de leur gâcher leur petite soirée en amoureux. Rien que pour ça, elle aurait bien planté un pieu dans le cœur du premier mais, malheureusement, elle n’avait qu’une bombe au poivre et un flingue dans son sac à main.
…
Quoi ? Benjamin lui avait rapidement appris qu’il fallait toujours sortir couvert. Certes, ici, ce n’était pas très utile. C’était sans doute pourquoi elle s’était mise à parcourir l’allée du regard. Elle n’avait pas de force spécialement plus développée que la normale et avoir quelque chose dans la main l’aurait bien arrangé à l’heure actuelle. Elle avait été toutefois coupée dans sa recherche par une remarque de Croc Blanc sur son fiancé. Dans un froncement de sourcils, Roxanne avait parfaitement désapprouvé la critique, et quand il avait repris la parole, elle ne s’était plus retenue de dire ce qu’elle pensait, si elle s’était retenue un jour de le faire :

« Premièrement, crétin, sache que cet homme est tout à fait comestible. Je te prierai donc de témoigner davantage de respect envers lui. »

Hum… le but, c’était pas plutôt : me mangez pas ?
On s’en fiche, elle n’avait pas terminé :

« Deuxièmement, je ne suis pas sa copine mais sa fiancée. Ce qui, excuse moi de te le faire remarquer, représente une sacrée différence. »

L’intérêt de cette intervention, finalement, elle était où ? Excellente question, mais puisque Roxanne trouvait que ça méritait d’être dit, il était conseillé de ne pas la contredire. Oui, même s’ils n’avaient pas marqué fiancés sur leurs fronts. Alors quoi ? Les gens ne savaient plus repérer des alliances de nos jours ? Quel manque d’observation flagrant !
Peu importe de toute manière les regards d’incompréhension qu’elle avait pu décrocher chez les autres, son Marshmallow s’était très bien chargé des grognements de menace pour elle. Ils ne pouvaient désormais s’en prendre qu’à eux s’ils étaient assez idiots pour attaquer. Et, en prévision de l’idiotie, Roxanne avait poussé un « oh » devant la vision d’une palette. Non, elle ne comptait pas faire un feu de cheminée idiots, elle voulait juste un morceau histoire de pouvoir planter le drapeau britannique dans le cœur de l’un d’eux. Et c’est alors qu’elle avait dans l’idée d’en prendre un morceau que l’assaut avait été donné. Passant donc de l’idée, à l’action, elle avait fait les quelques pas qui la séparaient du possible « armement » avec rapidité. Et tandis que Marshmallow se défendait avec brio en première ligne, Roxanne se battait avec une palette qui ne semblait pas vouloir lui prêter un bout de bois. Certes, robe et talons ne composaient pas la tenue idéale d’une femme d’action, et il est vrai que la voir pousser avec un pied et tirer avec sa main pouvait donner un certain comique à la scène fringuée comme elle l’était, mais le ridicule n’entrait pas dans les situations d’urgence.

Occupée comme elle l’était, elle avait un peu relâché son attention, comme pouvait en témoigner sa surprise quand Edward Cullen, peu importe son nom, s’était jeté elle. Perdant de vue sa palette, elle s’était heurtée contre le mur. Ici, nous ne chercherons pas à comprendre pourquoi elle avait plongé sa main dans son sac avec précipitation pour en sortir son flingue, ou plutôt pourquoi elle avait tiré sur Edward sachant l’inefficacité de l'action. De toute manière, Roxanne était assez douée pour expliquer les choses aux esprits les plus primaires :

« T’es au courant que ça va pas me tuer ? »
« Evidemment, faut-il que je précise que cérébralement parlant, je suis bien supérieure à toi. Mais ça doit faire un peu mal et je dois avouer que cette idée m’est plutôt sympathique étant donné que, comme je le constate, tu as sali ma jolie robe. De plus, si tu avais attendu quelques secondes de plus, j’aurai pu avoir un pieu. On penserait, à tort visiblement, que l’immortalité vous enseigne la patience et… »
« Mais tu vas la fermer oui !? »
« Quelle grossièreté ! »

D’accord, elle n’avait pas de force plus développée, mais sa langue fonctionnait très bien. Voilà une excellente raison pour réfléchir à deux fois avant de l’emmener non ?
Qu’elle se rassure, n’importe qui reconnaîtrait qu’elle était chiante, aucun doute là-dessus. Mais l’heure n’était pas au compliment, et si tirer sur Edward faisait gagner du temps, trouver quelque chose de plus efficace était une excellente idée. Certes brandir un couvercle de poubelle pour brasser l’air avec n’était pas la meilleure, mais c’était la plus proche. Le tout, c’était de ne pas s’arrêter de frapper. La situation était provisoirement sécurisée mais le bruit que faisait le couvercle quand il atteignait sa cible était plutôt réjouissant.

Indéniablement fait l’un pour l’autre. Si ça ne faisait déjà aucun doute lorsqu’on prenait le temps de les observer cinq minutes dans les moments anodins, on ne pouvait que le constater davantage dans les situations critiques. C’était probablement pour ça, d’ailleurs, qu’ils n’avaient pas mis bien longtemps après leur rencontre pour se fréquenter. L’événement assez haut en couleurs – à comprendre ici la résurrection d’une momie, pour changer de d’habitude – qui avait favorisé leur rencontre avait surtout eu pour résultat de leur montrer dès le début leur compatibilité explosive.
Ni l’un ni l’autre n’avait froid aux yeux, ce pourquoi l’encerclement de vampires qu’ils étaient en train de subir ne les terrifiait pas plus que ça. Marshall savait qu’il pouvait retenir la plupart des morts-vivants à lui seul, puis, pour celui qui arriverait à passer en travers des mailles du filet, il lui souhaitait bien de la chance. Roxanne était du genre agressive lorsqu’on gâchait ses soirées romantiques.

« Les gens ont vraiment plus le sens de l’observation de nos jours! »

Parce que vous pouvez être sûr que le caillou hors de prix qui trônait sur l’annulaire gauche de sa fiancée était très facilement visible. Il ne fallait pas s’attendre à de la discrétion lorsque c’était Roxanne qui choisissait. Ça lui aura servi de leçon. Penser à la bague avant de faire sa demande à voix haute alors qu’on ne faisait que réfléchir, tout bête, à l’idée.
Elle le savait, sûrement, au moment où les mots avaient passé le filtre inexistant de sa bouche, mais elle avait décidé que ça comptait pour une demande en règle quand même!

Dès que la jeune femme fit un mouvement, les vampires se jetèrent sur eux, ou plutôt principalement sur lui. Non pas que ça le dérangeait, il préférait encore ça à ce qu’ils soient plusieurs à s’intéresser à Roxanne. Elle devait être leur cible de base, mais les chauves-souris avaient assez de jugeote pour savoir qu’ils allaient devoir venir à bout du loup en premier.
Le patron du lot et deux de ses comparses passèrent à l’attaque. Des deux seconds, Marshall en attrapa un par sa chemise pour le balancer sur l’autre d’un mouvement latéral qui amplifia sa force déjà surhumaine. Ils roulèrent ensemble au sol, l’impact donnant un peu de temps à l’anglais qui pouvait se consacrer entièrement au plus détestable des quatre, bien que du coin de l’œil il s’assurait que Roxy contrôlait sa propre situation.
Ce fut avec un plaisir non dissimulé que Marshall flanqua un bon coup de poing au chef de fil qui dut reculer d’un pas pour absorber l’impact.
Le coup de feu tiré par Roxanne l’alerta et attira immédiatement son attention ce qui lui valut de se faire immobiliser par les deux qu’il avait envoyé valser. Le petit patron, enchanté de cette tournure, en profita pour le frapper à quelques reprises dans l’estomac, lui coupant le souffle à chaque fois.
Après ces quelques coups, Marshall se servit de ses pieds pour le repousser, puis, d’un grondement canin, puisa dans toute sa force pour se défaire de la poigne des deux autres, les poussant à se percuter l’un l’autre en les attirant vers l’avant.
Le couvercle de poubelle claquant sur l’adversaire de Roxanne attira à son tour son attention, mais cette fois-ci pour se saisir dudit couvercle, puisqu’il était tombé non loin de lui, et s’en servir pour assener quelques coups à ses attaquants. Le son distordant qui changeait de ton selon qui Marshall frappait avec était suffisamment rigolo pour lui donner un sourire en coin.

La colère des vampires montant de manière exponentielle – après tous ils étaient quatre contre deux, dont une humaine, et une fille par-dessus le marché – l’un deux arriva à arracher le couvercle de poubelle au loup, retournant l’arme improvisée contre lui.
Marshall se reçut quelques coups au visage ce qui eut pour effet de l’étourdir et lui fendre la lèvre inférieure. Des points noirs se mirent à danser devant ses yeux et ses gestes devinrent plus lents. Trop lents pour intercepter la pluie de coups qui s’abattit sur lui. Ses oreilles se mirent à bourdonner et ciller désagréablement. Son sang battait fort dans ses tempes et il le sentait également coulé en un fin filament sur son menton.
Si seulement il avait pu  muter en loup-garou, il n’aurait qu’une bouchée de ses abrutis! Au lieu de ça, il s’affaissa après un coup de pied solide dans le genou. Plus les frappes l’atteignaient, moins il était en mesure de les repousser ou de s’en protéger à l’aide de ses bras et de ses jambes.
La situation qui lui paraissait encore sous contrôle moins d’une minute plus tôt tournait au désastre. La seule chose qu’il était encore capable de faire convenablement, c’était de grogner par-dessus le son des coups.

« Rox, fiche le camp! »

Elle ne le ferait sûrement pas, parce qu’ils ne laissaient jamais l’autre derrière, mais ça valait la peine d’essayer, non?
   

D’un air satisfait, Roxanne avait écouté le doux son que faisait un couvercle de poubelle contre la tête d’un vampire. D’un air beaucoup moins ravi, elle avait regardé ses mains vides. Hum… l’ennui avec ce genre de situation, c’est qu’on avait jamais le matériel nécessaire, le petit kit de survie, le pieu salvateur, le lance-flammes efficace ou … le soleil par exemple. Ouais, on avait rarement vu un vampire attaquait le jour, et c’était bien dommage. Voilà un acte qui aurait prouvé d’une manière flamboyante le courage ! Oui, vraiment, ces mordeurs avaient tout de la lâcheté. Dans un soupir, elle avait cependant profité de sa diversion pour donner une nouvelle chance au décor

« Oh…. »

Sérieusement ? Elle allait tomber dans tous les clichés et se servir d’une barre de fer ? Qu’est-ce qu’elle y pouvait si les clichés dépeignaient plutôt bien la réalité et que ce genre de matériel était effectivement bien présent dans les ruelles sombres, peu fréquentées, manquant de charme mais pas d’odeur ?
Rien. Alors inutile de faire son rabat-joie, elle prendrait ce que Mère Insalubrité voudrait bien lui donner, même si ce n’était pas très efficace.
Seulement voilà, si l’idée de la diversion était plutôt bonne, elle avait été elle-même détournée de son objectif principal par son Marshmallow injustement assailli. C’était le comble, et après ils iraient fanfaronner leur supériorité. Ce n’était qu’une pure tricherie. C’était juste scandaleux, affreusement scandaleux. L’air outré, elle avait à peine prêté attention à son vampire peu sonné qui revenait à la charge.
Et parlant de charge, c’était bien Mademoiselle joliment apprêtée qui avait chargé vers le groupe à son tour. Certes, c’était un peu idiot… ok, complètement idiot. Oui, il aurait été plus raisonnable d’écouter l’excellent conseil que venait de lui donner son fiancé. Et l’abandonner là ? Hors de question ! Plutôt mourir.
… Elle avait d’excellentes chances d’y arriver si ça pouvait lui faire plaisir :

« Hey Edward ! Toi et tes copains, vous n’avez pas quelque chose de mieux à faire ? Genre un nouveau navet à Hollywood ? »

En d’autres termes, elle leur conseillait de rebrousser chemin avant d’avoir à répondre à elle… et sa barre de fer. Ok, elle avouait qu’à voir Edward grognait, son arme lui apparaissait encore moins utile. Entre Edward numéro 1 & le numéro 2, elle avait sans doute pris conscience, quelque part dans son cerveau, qu’elle n’avait aucune chance. Et pourtant, elle n’avait pas cherché à faire demi-tour, elle avait continué dans sa charge et s’était félicité intérieurement d’avoir donné un coup dans la tronche d’Edward qui s’en prenait à son fabuleux fiancé. Oui, elle s’était bien battue et elle ne rendait pas les armes si facilement. Se débattre donnait au moins le style du courage plutôt que de la lâcheté. Elle avait lâché quelques jurons bien loin de la britannique raffinée, sa barre avait fendu l’air quelques fois avant de voler au loin et puis elle s’était sentie attraper par l’arrière. Sa supposition, la meilleure qu’elle pouvait avoir : Numéro 1 était assez lâche pour vous prendre à revers. Elle s’était débattue, comme une véritable tigresse, son poing avait touché sa cible et elle avait eu la fierté de penser qu’au moins, ils ne leur avaient pas facilité la tâche. Ils ne le faisaient jamais. Non, c’était des robustes et ces vampires étaient en train de perdre leur temps. D’accord, ils allaient perdre la première manche. Mais Marshall viendrait la chercher et eux perdraient la guerre. Cette confiance aveugle qu’elle avait en Marshall ne faillirait pas maintenant. Elle s’était peut être jetée dans la gueule du loup, enfin de Dracula, en voyant avec quelle lâcheté ils s’en prenaient à son fiancé, mais le sacrifice n’était ici qu’un contretemps, n’en doutez pas. Toutefois, à force de se débattre, le noir complet n’avait pas tardé à venir. Prévisible, il était plus facile de transporter un repas moins agité.

Son œil gauche commençait déjà à enfler lui bouchant partiellement la vue déjà brouillée par l’étourdissement. L’élancement de son crâne l’empêchait de réfléchir correctement et sa respiration maintenant douloureuse lui indiquait une ou plusieurs côtes fêlées… voir cassées, peut-être un mélange des deux. Si dès le lendemain, il irait déjà beaucoup mieux, pour l’instant la douleur était glaçante et poignante. Comme une lame qui s’enfonçait encore et encore dans ses poumons au fil de sa respiration saccadée.
Il essaya tant bien que mal de se lever malgré les coups qui continuaient de pleuvoir sur lui, mais ne put que grogner.
Évidemment, Roxanne ne l’écouta pas une miette, son intervention ne servant qu’à lui montrer qu’il était en très mauvaise posture. Avec quoi fonça-t-elle sur leurs assaillants, il ne saurait dire malgré son excellente vue nocturne. Sa tête allait exploser, il avait le tournis et la nausée, chaque centimètre de son corps le faisait souffrir, comme en feu, mais de l’intérieur. Il bouillait à la fois de rage et de douleur, incapable de faire plus que de rester lamentablement couché sur le bitume sale, complètement à la merci de ses adversaires.

Puis, d’un coup, on ne se préoccupa plus de lui. Sa fiancée en talons et robe de soirée était devenue l’attraction principale des suceurs de sang. Marshall chercha à se lever encore au moment où ils se saisissaient d’elle, mais ne réussit qu’à s’affaisser plus lourdement par terre. Une plainte sourde s’échappa de sa gorge bien malgré lui.
La ruelle dansait la valse autour de lui et il avait un solo de maracas dans le crâne. Il réprima difficilement un haut le cœur, chercha à se relever à nouveau. Il y arriva, demeurant penché pour un centre de gravité plus bas, les bras autour de ses côtes. Sa respiration sifflante l’aurait fait s’asseoir en d’autres circonstances, mais pas ce soir. Ce soir, des vampires lui avaient pris sa fiancée, ce n’était pas le moment d’être mauviette!

Il fit quatre pas avant de trébucher sur une connerie de nid de poule, s’affalant encore sur le bitume. Il cracha du sang, la fraicheur de l’asphalte contre sa joue lui faisait un peu de bien et, incertain de s’il avait prononcé le nom de Roxanne à haute voix, sombra dans l’inconscience.