Vraiment, être une Andrews n’était plus si “élevé” de nos jours. Avait-elle été la dernière digne de la famille ? Voilà la question qu’elle s’était demandée en regardant sa prétendue grand-mère partir pour son cours de yoga. Au final, elle n’avait pas eu besoin de trop l’amocher… dommage, elle était convaincue qu’elle y aurait trouvé un certain plaisir. Une prochaine fois, peut être… quand elle aurait l’éternité devant elle, elle aurait tout le temps de faire taire cette petite vieille agaçante et fripée. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle était Charlotte et devait le rester pour un certain temps. Inutile de prendre des risques stupides en attendant. Si son plan de secours n’avait pas les réponses non plus, ce serait une autre histoire. Là, elle devrait découvrir si grand maman la menait en bateau ou non. Mais pourquoi ne voudrait-elle pas donner un livre de sorts à son légitime héritage ? Pour la protéger, probablement… il semblerait que le passage d’Emily chez les Andrews, et peut être d’autres nettement moins bons, ait laissé quelques traces.
Bref, elle n’était pas là pour s’éterniser sur le cas de Marlene. Elle aurait le temps d’y revenir plus tard. Pour le moment, elle avait une vieille connaissance à revoir… il n’en serait probablement pas ravi mais elle lui ferait changer d’avis une fois les choses venues à l’ordre qu’elle désirait. Après avoir attendu quelques secondes que la fripée s’éloigne, Emily avait attrapé les affaires de son corps pour quitter la maison à son tour. Au bout de quelques minutes, elle était arrivée à destination pour se retrouver face à la porte close de l’Artemis. Embêtant ? Pas vraiment. Philip avait largué cette pauvre Charlotte, elle avait bien le droit de défoncer sa porte pour lui demander quelques renseignements non ? Il pouvait bien faire ça pour elle.
Cependant, pour la sécurité de son petit jeu de rôle, la porte était restée sauve de justesse grâce à du bruit à l’arrière qu’elle avait suivi. Un géant était occupé à décharger le camion de livraison. Une rapide fouille intérieure et elle avait estimé ne pas le connaître suffisamment pour avoir une conversation amicale avec lui :


« Salut, je viens…. »
« C’est fermé. »
« Je sais, je suis une amie du patron, il est là ? »
« T’es venue une fois. »
« Ok… il est là ?»
« Chez lui… faut frapper avant d’entrer. »

… D’accord, donc Philip était patron de bar et faisait dans le social en embauchant des autistes ! Celui-ci semblait tout fier de lui dire qu’il fallait frapper avant d’entrer, comme s’il débitait une leçon qu’il avait bien retenue. Il avait sourit en tout cas avant de reprendre un air complètement fermé et de continuer son déchargement. Elle supposait que c’était sa manière de lui dire qu’elle pouvait entrer… Il ne l’avait pas retenu en tout cas quand elle était entrée par l’arrière du magasin et lui avait même désigné d’un signe de tête le couloir à emprunter pour avoir accès au logement des Cooper. Elle avait donc laissé l’employé à son travail, ne prêtant pas attention à son questionnement à voix haute à savoir s’il y avait un nombre de coups jugé réglementaire ou pas.
Elle avait suivi le couloir indiqué jusqu’à la porte d’entrée. Malgré le conseil, elle avait ouvert la porte sans prévenir de son arrivée. Qu’est-ce qu’elle y pouvait ? Elle adorait les surprises ! Et puis, elle n’était pas certaine d’être invitée autrement. La sorcière avait donc pris les devants, plus que les devants d’ailleurs puisqu’elle était entrée jusqu’au salon où elle était finalement tombée sur celui qu’elle venait voir. Dommage, il aurait pu être amusant de tomber sur Zachariah aussi… pur perte de temps mais divertissant :

« Salut… ton employé m’a dit d’entrer.» sans frapper ? Certes non « J’étais pas certaine d’être la bienvenue alors j’ai préféré ne pas m’annoncer.»

Pitié ! Et elle se plaisait encore à ce petit jeu ? Hum, elle voudrait bien en jouer un autre mais ce n’était pas certain qu’il soit très consentant. Ils fêteraient leurs retrouvailles plus tard. Pour le moment, elle avait un service à lui demander et à voir l’air grave qu’elle affichait à présent, ce n’était pas rien :

« Je sais que t’aurais préféré que je ne débarque pas comme ça, voir plus du tout mais… je crois que t’es le seul à pouvoir m’aider sur ce coup là.»

Le mouchoir ne serait pas pour tout de suite mais il viendrait peut être s’il fallait en arriver à une scène larmoyante pour l’apitoyer un coup.

L’éternité, c’était chiant. Philip ne pouvait que le constater en ce milieu d’après-midi devant sa table de salon perdue sous les morceaux d’informations rassemblés qui pouvaient peut-être ressembler à un semblant de piste quant à l’enquête sur la mort d’une fantôme casse-pieds qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Pourquoi avait-il accepté de l’aider déjà? Comme s’il n’avait pas suffisamment de problème à lui seul pour s’occuper!
Décidément, plus le temps passait et plus Lip prenait des décisions stupides.
Se mêler de ses affaires, sauver le monde au besoin et basta pour le reste. C’était ça la marche à suivre.

M’ouais bon, il était aigri sur tout parce qu’il avait les nerfs en boule depuis quelques jours et se contentait principalement de boire ses bouteilles destinées normalement à la vente, mais n’empêche que le questionnement valait d’être posé.
Depuis quand il acceptait d’aider la veuve et l’orphelin juste comme ça?
Putain il avait besoin d’action, la vraie, celle où le sort du monde est en jeu! Il avait trop de temps libre pour penser et penser… c’était mauvais pour le reste.

Prenant une longue rasade de bourbon, les pieds négligemment posés sur la table à café, Lip avait les yeux un peu vitreux et l’expression empâtée. Son allure habituelle depuis ces quelques jours où il avait plus ou moins largué Charlie.
Il avait une gueule misérable, il le savait bien. Et il devait se foutre un pied au cul et se remettre sur pied comme un homme, il le savait tout autant. Mais avec l’éternité devant soi, pourquoi se presser, hein? Que Zach se sente un peu coupable de son état en le voyant lui faisait du bien. Maigre vengeance pour ce qu’il l’avait poussé à faire.

Et c’est comme ça qu’elle le trouva. Le goulot encore aux lèvres, la mine de déterré qui ne s’est pas douché depuis trois jours, absolument charmant, il va sans dire.
Il avait bien envie de foutre en l’air ses efforts de la repousser, mais d’un autre côté, il avait fait tout ça pour une raison…
Il était sur le point de lui dire de foutre le camp. Qu’il n’y avait plus rien à dire et que le mieux était de ne jamais remettre les pieds près de cet établissement. Chercher à se revoir ne rendait que les choses plus difficiles et compliquées.

Mais elle avait dit les mots qu’il fallait sur le ton qu’il fallait pour que Lip laisse de côté ses bonnes résolutions, une fois de plus.
Cette femme, elle était sa kryptonite.

Sa gueule d’ivrogne s’évapora en un rien de temps, juste celui de poser la bouteille sur la table, pour se métamorphoser en expression soucieuse.
Il serra les dents. Mais quel con il faisait. Pourquoi Zach n’était jamais là quand il en avait vraiment besoin? Lui, il l’aurait mise dehors même si elle lui pleurait sur l’épaule!

« J’peux rien pour toi. J’ferais qu’empirer les choses. »

Peut-être pas son problème proprement dit, mais pour sûr quelque chose allait pencher du côté sombre de la force s’il tentait le diable encore un peu en sa compagnie.

« J’suis du poison pour toi Charlie, j’pensais avoir été clair là-dessus. »

Qu’elle soit dans la merde était déjà un sacré bon argument en sa faveur, ne pensez-vous pas?

Comme l'expression courante actuelle le dirait : il avait une sale gueule. Est-ce qu'elle y était pour quelque chose ? Elle l'espérait. Enfin, elle espérait qu'Emily y soit pour quelque chose. Que le fait de quitter celle qui lui rappelait des souvenirs avec son seul et véritable amour le torture. La prochaine fois, il y réfléchirait peut être davantage avant de la tuer.
Comment pouvait-il en être autrement ? Charlotte n'était rien pour lui, juste une pâle copie de l'originale.
Cette conversation, ils auraient bien le temps de l'avoir plus tard. Il s'excuserait. Et, croyez-là, il devrait le faire plusieurs fois et peut être envisagerait-elle d'oublier ses quelques rancunes justifiées. D'accord... elle n'envisagerait pas si longtemps que ça... il était sien, c'était ainsi, même si elle n'oublierait jamais la première trahison :

« T'en fais pas, j'avais bien compris ton point de vue la première fois. »

Bla bla bla, je t'ai tué une fois, bla bla bla, tiré du côté obscur, bla bla bla, tu deviens mauvaise en ma présence bla bla bla... c'était quelque chose comme ça non ? Dans les grandes lignes, ça devait bien s'approcher.

« Je ne suis toujours pas d'accord avec toi mais ce n'est pas pour ça que je suis là. »

Sur le fond elle n'était pas d'accord. Elle n'était pas devenue mauvaise, elle avait compris que le pouvoir était une excellente compagnie pour elle. Et, par la même occasion, elle avait également compris qu'elle était supérieure, qu'elle se devait de l'être... une sorcière comme elle n'était pas là pour mener une petite existence calme de mère de famille.
Et puis, surtout, si elle était d'accord sur le fait qu'il soit mauvais pour elle, c'était principalement parce qu'il l'avait tué.
Mais Charlotte devant être Charlotte, elle ne pouvait discuter de la différence de formulation avec lui.
Sans considérer la possibilité de faire demi-tour, elle s'était avancée au contraire et lui avait pris la bouteille des mains. Tu as raison Sainte Charlotte, empêche le de boire. Un petit regard soucieux pour accompagner le geste et voilà un acte digne de la perfection pathétique :

« Je suis désolée si je tombe mal... mais j'ai des problèmes Philip et t'es peut être le seul qui puisse m'aider. »

C'était le moment pour la larme ? Pas encore, mais le moment d'avoir l'air terriblement inquiète était plutôt bien choisi. A une autre époque, ça donnait : "aide moi preux chevalier, tu es le seul qui puisse le faire !". Mais elle n'avait pas besoin qu'il aille récupérer une Excalibur dans un roc. Tout ce qu'elle voulait, c'était un renseignement pour avoir tout ce qu'elle avait toujours désiré... plus un vampire qui supporte le soleil. Mais tout ça, il n'était pas supposé le savoir, tout particulièrement quand la mort de son frère cadet entrait dans l'équation.
Elle avait posé une main sur son épaule, la serrant doucement avant d'enchaîner sur la suite qu'elle avait un peu répété dans sa tête, elle l'avouait :

« Tu connais ma famille depuis pas mal de temps visiblement. Il y a quelques temps, j'ai trouvé des journaux ayant appartenu aux Andrews. Je t'épargne tous les détails, j'ai compris que plus vite je serai partie, mieux ce sera... mais il est fait référence d'un grimoire dans certaines pages... ma famille en aurait pris possession il y a de nombreuses années, ou elle l'a peut être toujours possédé. Ce n'est pas très clair. Il est décrit dans les journaux comme d'un rouge sombre ou marron et il aurait une sorte d'araignée, une bestiole à huit pattes en tout cas, avec un oeil au milieu sur la couverture.»

Est-ce que ça faisait assez je sais sans trop savoir parce que je ne viens pas de ces temps là ? Elle ne pouvait pas faire plus inculte dans sa description tout en l'aidant un minimum en tout cas. Etant donné qu'il l'avait déjà vu, ce serait bien suffisant. Ce grimoire, elle aurait pu en parler bien plus longuement autrement. Ce qui était certain à son sujet, c'est que Marlene ne le possédait pas ou plus dans sa bibliothèque personnelle. Ou alors, elle avait cru bon de le cacher :

« Ma grand-mère et moi en avons besoin. Je te demande pas de te mêler de nos problèmes, pas plus que de jouer au héros. Tout ce que je veux, c'est savoir si tu aurais une idée de l'endroit où pourrait se trouver ce grimoire. Après ça, c'est promis, j'te rends ta bouteille et j'te laisse définitivement tranquille. »

D'accord, pour la dernière partie, ce n'était pas tout à fait exact. Quoique, Charlotte le laisserait tranquille.

Si elle avait compris alors qu’est-ce qu’elle faisait là? Il n’y avait pourtant rien de compliquer dans les termes nous ne devons plus jamais nous voir. Ou alors, peut-être que ça ne voulait pas dire la même chose par ici. Ou peut-être que Charlie était idiote.
Ça l’arrangerait bien tient, ça lui donnerait une raison pour essayer de la trouver moins attirante…
Nop, ça ne fonctionnait pas!

« T’es là pour quoi alors? »

Il avait repris la bouteille, prêt à prendre une autre gorgée en signe de protestation face à cette intrusion nocive pour sa santé mentale, mais Charlie lui arracha son bourbon des mains. Une sage décision en soit, mais l’immortel fit la moue, mécontent de voir son alcool s’éloigner de sa personne. C’était bien la seule chose qui pouvait encore l’empêcher de faire une connerie que Zach lui ferait regretter plus tard.
Mais comme pour bien d’autres choses au sujet de cette femme, il n’avait fallu que de peu pour que Lip change d’attitude du tout au tout. À la longue, elle allait finir par ne rien y comprendre ou le prendre pour une girouette plus qu’instable, mais il n’avait fallu que cette main sur son épaule et cette expression sur son visage pour qu’il regrette son animosité.

Alors il l’avait écoutée attentivement, oubliant sa soif d’alcool pour rassembler lentement les morceaux du puzzle qu’elle ébauchait. Ce grimoire, il aurait été bien stupide de ne pas se rappeler de lui. C’était ça qui renfermait les secrets noirs qu’Emily s’était appropriée autrefois. Il le voyait encore, très distinctement, sur la table, tandis qu’il se relevait les mains pleines du sang de la jeune femme. Il l’avait observé quelques secondes avant de s’en emparer et partir.
Sans ce grimoire, Emily n’aurait pas sombré dans la folie du pouvoir, n’y ayant simplement pas accès.

Tout du long, il avait conservé le silence, resongeant à ce bouquin qu’il avait rangé dans un coin oublié de sa mémoire. Il avait fait quelques recherches dessus par la suite pour savoir d’où il venait et ce qu’il contenait.
Il n’avait pas été en mesure de tout déchiffrer, ou plutôt, il n’avait pas poussé la recherche très loin avant de comprendre tout le mal qu’il renfermait…

« Ouais, je sais de quoi tu parles. Je l’ai déjà vu, il y a longtemps. Il a été perdu plusieurs fois dans l’histoire, puis retrouvé, mis sous protection et reperdu encore. On dit que son séjour le plus long au même endroit fut dans un monastère dans le royaume Wessex, en Angleterre, au huitième siècle et il n’y est resté que quelques années. »

Il prit une petite pause, ne sachant pas trop quelle attitude adoptée ensuite. Elle avait besoin de ce grimoire, mais il savait mieux que quiconque que jamais elle ne mettrait la main dessus. Il en était à la fois navré et content. Quand cette femme avait ce bouquin sous les yeux, ça ne se terminait jamais bien.

« Je sais pas ce que tu comptes faire avec, mais tu vas devoir faire sans, je suis désolé. J’ai détruit ce livre, ça doit bien faire deux cents ans. »

Et c’était aussi bien comme ça. Ce livre, ce n’était pas pour rien qu’il s’était autant baladé à travers l’histoire. Il apportait la poisse partout où il se trouvait. Il était bien mieux en cendre, peu importe les secrets qu’il contenait.

Pourquoi elle était là ? Pour lui soutirer des informations et remettre la main sur un grimoire qui lui avait jadis appartenu. Un grimoire qui pourrait l'aider d'une part à être enfin l'immortelle qu'elle voulait être et d'autre part à se débarrasser de son petit frère chéri.
Hum... ouais, ce n'était sans doute pas là réponse qu'il préférerait entendre. Ce qu'il aurait aimé savoir maintenant, ce qu'elle pensait qu'il aurait aimé savoir du moins, c'était que sa plus terrible erreur ne les avait pas séparé éternellement. Si elle lui disait maintenant qu'ils pouvaient être à nouveau ensemble, que répondrait-il ? Elle souhaitait qu'il envoie tout promener et qu'elle devienne la seule chose importante à ses yeux. Mais le grand amour tout ça... étrangement, ça prenait un coup quand on vous tuez. Alors oui, elle préférait s'en méfier. Et surtout, elle préférait envoyer au repos éternel celui qu'elle jugeait responsable principalement de la fin de leur histoire.
Elle avait préféré garder le silence, se contentant de se comporter en personne soucieuse de lui qui écarte la maudite boisson de vos intestins. Et puis, elle avait commencé son petit acte et fait sa demande comme une Charlotte aurait pu la faire.

C'était tout un paradoxe ! Si avoir le renseignement l'arrangeait bien, elle aurait apprécié que ce soit plus difficile que ça et qu'il envoie promener Charlotte sans y mettre les formes.
Mais après tout, s'il mettait Charlotte sur la voie d'un grimoire peu recommandable, c'était uniquement parce qu'il pensait qu'elle ne pourrait pas se le procurer non ?
Et puis, cette vague déception n'avait qu'à peine durer. Apprendre qu'il avait détruit son grimoire lui avait coûté quelques efforts pour cacher la colère et l'embêtement qu'elle avait sentit poindre. L'idiot ! Voilà qu'il compliquait encore les choses pour leur permettre d'être ensemble !
Oui, il compliquait seulement. Sitôt la déception passée, elle voyait bien un autre moyen de mettre la main sur son grimoire. ça prendrait plus de temps mais le résultat serait le même :

« Oh.... »

Affichant un air grave, comme si sa vie en dépendait, sur son visage, elle avait détourné les yeux dans un soupir.

« Pas forcément... ça risque d'être plus compliqué mais j'ai pas vraiment le choix sur ce coup là. Crois-moi.... Et t'as une idée plus précise de la date de son séjour dans ce monastère ? »

Après avoir relâché son épaule, elle s'était assise près de lui, fixant le sol quelques secondes avant de relever vers lui un regard embrumé par des larmes qui menaçaient de couler :

« Je dois aller le chercher... si je ne le fais pas... ma grand-mère s'est attirée des ennuis et... je ne peux pas la perdre Philip, elle est tout ce qu'il me reste.... »

Tu parles d'un reste ! Une vieille complètement folle et pas très utile en sorcière qui plus est ! Elle passait son temps au yoga ou à jouer au bridge avec ses amies. A la place de Charlotte, elle s'en passerait très bien. Et pourtant, elle avait passé une main sur sa joue humide, lâchant le regard de Lip avec une certaine amertume dans le sien :

« Excuse-moi, je sais pas pourquoi je te raconte tout ça, ce n'est pas ton problème.... »

Elle voulait bien l'avouer, mourir pour ensuite prendre le corps de Charlotte Andrews... ça avait son petit côté divertissant !

« Précisément, comme ça, je sais plus. »

Déjà qu’il avait retenu le lieu et le siècle. Pour un truc qu’il avait détruit et qu’il était mieux d’oublier en tout et partout, c’était déjà pas mal. Mais qu’était-il face à cette femme? Faible, juste faible.

«  Mais j’ai trouvé une fois, je peux le refaire. »

L’information serait peut-être enfouie un peu plus profondément que la dernière fois puisque 200 ans étaient passées, mais pour que l’info ait voyagée mille ans, elle devait bien être encore disponible quelque part!
Il ne voyait pas trop en quoi la date précise allait changer quoi que ce soit puisque le grimoire demeurait détruit, sûrement ce pourquoi ça ne le dérangeait pas trop de trouver la date plus précise.
Et puis, nous ne dirons jamais assez le mot faible. Devant ce regard larmoyant, Lip ne valait plus rien et sa maigre résistance avait fondue comme neige au soleil. Comment cette femme arrivait à avoir une telle emprise sur lui? C’était complètement dément. Mais ça, il avait longtemps arrêté de se poser la question. Elle était sa faiblesse, à quoi bon chercher une explication? Ça ne changerait rien.

« Où ça, au huitième siècle? C’est pas comme si c’était possible. Le voyage dans le temps, si ça se pouvait, y’a longtemps que j’en aurais entendu parler! »

Si son frère se disait la même chose vingt minutes plus tôt, Lip n’avait aucun moyen de le savoir maintenant.
De toute manière, ça ne l’intéressait pas sur l’instant. Une Charlie en larmes assise à côté de lui avait de quoi occuper tout son esprit et, surtout, faisait naître ce besoin viscéral de l’aider bien au-delà de ses capacités.
Ils devaient cesser de se voir, vrai, mais ne pouvait-il pas l’aider à sauver sa grand-mère avant de couper définitivement les ponts? Est-ce que c’était si mal que Zach allait… lui interdire? Il ne serait pas content, c’était certain, mais il n’avait pas vraiment son mot à dire en vérité. Lip était assez vieux pour prendre ses propres décisions, que son petit frère approuve ou pas.

Il allait le regretter.
Cette phrase, il se la disait bien souvent en présence de Charlie! Mais même s’il savait très bien qu’il allait s’en mordre les doigts plus tard, il ne pouvait pas laisser la sorcière livrée à elle-même dans son état.
Sa voix devint très douce et il prit l’une de ses mains dans les siennes.

« Hey… Je sais qu’entre nous c’est… particulier, mais je suis pas sans cœur pour autant. J’vais pas laisser ta grand-mère écoper à cause de nous si je peux l’aider. »

Il eut un petit sourire qui se voulait encourageant.

« Des solutions, y’en a toujours. On va trouver quelque chose, je te promets. »

Et pourquoi il l’avait embrassée sur la fin?
Au départ – du moins la fraction de seconde avant de poser le geste – ça se voulait comme étant juste un petit baiser volage. Encourageant et rassurant au même titre que le sourire qui l’avait précédé. Mais dès qu’il avait eu ses lèvres contre les siennes, il n’avait plus qu’une envie, les dévorer avec l’avidité d’un affamé.
Sincèrement, est-ce que c’était normal qu’une personne déclenche ça chez une autre?

Quelques minutes après l’annonce de sa prochaine mort par la charmante Eva, sorcière de manière certaine… et probablement venue du futur, ils arrivaient derrière l’Artemis où le gardien avait garé sa voiture. Sérieusement ? Il allait laissé son bébé dormir dehors ? Non, il n’oserait jamais, il comptait simplement ramener sa future cavalière ensuite. C’est qu’il avait des manières… pour un petit con.
Descendant de moto, il avait attendu que la jolie blonde retire son casque pour le porter. C’est sur cette marque de galanterie que le colosse d’employé était passé, chargé d’une caisse de bière. S’arrêtant à leur hauteur, il avait salué son patron qui lui avait répondu d’un signe de tête. Il entraînait déjà Eva à l’intérieur quand il avait entendu le videur dans son dos :

« Patron ! J’me demandais, par rapport à ce truc de frapper à la porte, c’est combien de coups ? »
« 107, on dit que frapper moins amène le mauvais œil. Et plus… vaut mieux pas que tu saches ce que fait plus. »

De plusieurs hochements de tête, le portier avait approuvé, visiblement en pleine méditation. S’il pensait que cette culture était bizarre ou si c’était bien normal de frapper 107 fois à une porte, Zach n’en savait mais, quand il s’était tourné vers le couloir menant à son appartement, le petit sourire du sadique était venu se glisser sur ses lèvres. Depuis que ce type bossait pour eux, il avait de nombreuses occasions de mettre à profit son talent. Après un regard en direction d’Eva qui montrait sa fierté quant à son talent d’emmerdeur professionnel, il avait fait les quelques pas qui le séparaient de la porte d’entrée. Etant donné qu’il était chez lui, il n’avait pas frappé 107 fois. Peut être aurait-il dû. Ça aurait été l’occasion de ne pas voir cette « vision d’horreur » sortie tout droit du passé. Là, il n’avait fait que soupirer, redoutant un peu l’état dans lequel il allait trouver son frère. Depuis que Philip avait écouté ses bons conseils, il était… disons qu’il n’était pas le rayon de soleil de l’Artemis.
Quand il était arrivé dans le salon pour tomber sur un Lip un peu trop proche … d’Emily, il avait sentit une pointe de colère remplaçant complètement l’inquiétude qu’il avait un peu plus tôt pour son aîné :

« Vraiment ? C’est ce que t’appelles couper les ponts ? »

Visiblement, ils avaient une vision bien différente de l’expression. Et tandis que son regard croisait celui de la brune, la colère s’était intensifiée.
Et dire que ces derniers jours, il s’était sentit coupable d’être celui qui avait poussé son frère vers la voie de la raison en le privant ainsi d’un peu de bonheur dans sa longue existence. Il était clair que le bonheur n’était pas si loin que ça pour Lip. Posant son casque de moto sur le bar, il avait complètement oublié la raison première de leur venue. On ne pouvait pas dire qu’il avait un jour fait partie du fan club d’Emily et voir sa copie conforme ne le mettait pas franchement de bonne humeur.
Elle ne lui ressemblait pas. Elle était elle !

« Désolé, visiblement on vous dérange. On devrait peut être vous laisser continuer à prendre vos distances. »

Parce qu’ils étaient tellement doués pour le faire !
Sérieusement ? Est-ce qu'il avait au moins tenter de prendre ses distances ? Parce que ça, ce n'était clairement pas une manière de le faire.

Aller voir Lip était une excellente idée! Lui, au moins, Eva était certaine qu’il prendrait l’avertissement plus au sérieux que son cadet et qu’il ferait en sorte que le pire n’arrive pas. Du moins espérait-elle que la prudence ne soit pas quelque chose qu’il ait appris à la mort de Zach, autrement elle ne savait pas comment convaincre deux immortels que l’un d’eux allait mourir sous peu!
Le voyage à moto avait été des plus agréables malgré l’importance de la destination. Enfin, après ces longues minutes à se retenir, elle pouvait délibérément s’appuyer contre Zach. Ce n’était pas nécessairement un câlin retrouvailles typique, mais s’accrocher à sa taille et laisser aller son torse contre son dos musclé était déjà franchement mieux que rien.
C’était tellement niait. Il n’y a pas si longtemps, elle se serait dégoûté elle-même d’agir de manière aussi guimauve, pourtant, après l’avoir perdu, c’était tout ce qu’elle avait trouvé pour se convaincre qu’elle n’était pas dans un rêve.
Le sortilège avait margé et elle arriverait à le sauver de lui-même!

Ce fut presque avec déception qu’Eva s’écarta de lui lorsqu’ils furent arrivés derrière l’Artemis. Elle se leva de la moto, retira son casque et le rendit à son propriétaire en le suivant. Certes, elle connaissait la route – ainsi que le molosse blond venu d’une autre dimension – mais suivre le guide paraitrait un peu moins bizarre étant donné les circonstances.
Au 107 coups, la blonde ne put retenir un soupir exaspérer, techniquement c’était une habitude qu’elle n’avait pas encore!

« Tu te lasses jamais hein? »

Oui, ça sonnait parfaitement comme si elle l’avait vu faire ce genre de connerie une centaine de fois au moins. Mais, au fond, il y avait quelque chose de rassurant dans cette habitude. Passé, présent, futur, quelque part, que certaines choses ne changent pas faisait du bien.

Et puis, une fois dans le logement des frères, Eva eut un sentiment de rentrer à la maison qui lui plaisait bien. Surtout avec Lip et Charlie sur le canapé à échanger leur salive. Là encore, certaines choses ne changeaient pas!
Exception faite de l’animosité très affichée de Zach envers la même scène.
Couper les ponts?
Elle n’était pas certaine de comprendre ce que ça signifiait. Pour elle, Lip et Charlie avaient toujours eu une bonne relation, un peu comme elle et Zach, ça c’était fait au premier coup d’œil, sans une anicroche. Enfin… si on ne compte pas qu’elle avait fait mariné Zach un peu, juste pour tester sa détermination!

Devant le froid laissé par son compagnon qui, visiblement, mettait Philip un peu mal alaise, Eva offrit quelques secondes de pause à ce silence inconfortable avant de sourire et leva la main pour un salut jovial.

« Hey, salut! »

Un peu trop intime?
Ouais, sûrement, mais Eva avait un peu de mal à gérer cette histoire de tu n’es pas supposée les connaître.

Quelque part, au fond d'elle, il y avait cette voix qui criait, espérant que quelqu'un l'entende. Elle finirait par se fatiguer. Elle finirait par se taire quand elle comprendrait que ça ne servait à rien. Personne ne verrait la supercherie avant qu'elle ne le décide. Emily était l'unique maître du jeu ici et elle aurait pensé que Charlotte serait un peu plus intelligente que ça en captant plus rapidement qu'il ne servait à rien de se battre contre son ancêtre.
Charlotte devait de toute manière arrêter de se faire des illusions. Même si Philip se rendait compte de quelque chose, jamais il ne la choisirait. Elle n'était rien pour elle hormis le souvenir de son premier et seul amour. Non, quand il saurait, il ne ferait rien pour faire revenir la légitime propriétaire de ce corps. Peut être qu'il douterait un peu, mais il finirait par se rendre compte qu'on lui offrait une chance de racheter sa plus grosse erreur.
Et autrement ?
Il n'y avait pas d'autrement possible.
C'est vrai, il semblait touché par l'histoire de la petite Charlie. Oui, ça pouvait être un peu vexant. Mais ça ne voulait rien dire ! Absolument rien dire !
Et puis, elle n'allait pas se plaindre de le mener à lui donner les bons renseignements. Peut être... peut être qu'il essayait de se racheter en aidant la descendante. Oui, c'était ça, sans aucun doute.

« C'est possible, crois-moi ! Pas si simple mais possible. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de la date. » après un soupir, elle avait continué « Désolée... même avant de venir, je me disais que c'était idiot. C'est juste que... il n'y a que toi. »

Oui Philip était le héros de la situation, on l'avait bien compris !
En tout cas, si une chose était certaine, c'était que les larmes de Charlotte semblaient le toucher. Il lui avait pris la main et son ton était devenu différent. Intérieurement, elle savait qu'elle avait gagné. Extérieurement, elle n'avait rien affiché hormis toute l'angoisse allant avec la pensée que sa très chère grand-mère était en danger. Et puis de la peine, la peine d'avoir perdu si vite un homme auquel elle s'était déjà attachée. Sur ce coup là, elle ne mentait pas... c'était vrai, elle était dans la tête de Charlotte après tout et cette petite idiote appréciait un peu trop un homme qui n'était pas sien au goût de son ancêtre.

« Merci... je suis vraiment désolée... je t'assure que je voulais pas te mettre dans cette situation. »

Et l'oscar de la meilleure actrice était attribué à... Emily Andrews ! Mais si l'avis d'une certaine blonde sur le point de débarquer et de sa future meilleure amie, pas vraiment au meilleur de sa forme, comptait... elle vous dirait que ce serait plutôt l'oscar de la meilleure salope qu'elle méritait.
Se vanter, elle en aurait tout le temps ensuite, elle ne pouvait pas se mentir sur ce coup là, retrouver les lèvres de Philip après tant d'années, c'était plus qu'agréable. Oui, ce sentiment était renforcé par la peine qu'elle pouvait causer à l'autre imbécile, mais inutile de parler d'elle alors qu'Emily était la seule destinatrice de ce baiser. Baiser qu'elle avait appuyé, entourant les épaules de Philip de ses mains, appuyant l'une d'elle contre sa nuque pour renforcer ce baiser.
Honnêtement, elle les aurait bien vu aller beaucoup plus loin si une désagréable voix venue du passé ne les avait pas séparé. Quand elle avait posé les yeux sur Zachariah, elle avait dû se forcer à cacher toute l'antipathie qu'elle avait pour lui. Ce morveux, ce moins que rien qui avait finit par les séparer. Bientôt, il ne serait plus rien. Ragnar l'écraserait aussi facilement qu'une mouche, tel l'insecte repoussant qu'il était !

L'insecte était accompagné d'une blonde. Avait-elle déjà dit qu'elle détestait les nouvelles venues ? ça l'obligeait à fouiller dans les souvenirs de l'autre... l'autre qui au passage tentait toujours de lui mettre des bâtons dans les roues en tâchant de cacher de précieuses informations.
Elle n'avait rien trouvé... elle supposait que Charlotte ne la connaissait pas. Tant mieux... une personne de moins à se méfier. Si elle la voyait plus d'une fois, elle n'aurait pas besoin de jouer telle ou telle réaction par peur que la blonde voit une différence avec l'original.
Bref, la gamine avait eu au moins le mérite de faire preuve d'un peu plus de politesse que son accompagnateur :

« Salut... » C'était ça non ? Le moment de jouer une situation embarrassante était parfaitement choisit. « Charlotte... enchantée. »

Enchantée de causer ta mort prochainement crétin ! Et enchantée... laissons tomber la blonde, elle la cataloguerait plus tard.
Pour l'instant, elle s'était délectée de tourner un regard interrogateur vers Philip, le questionnant ainsi sur l'animosité du nouveau venu avant d'ajouter à son attention :

« On devrait continuer cette conversation en privé... enfin je voulais pas dire... je veux parler de la vraie conversation et pas de... tu vois ce que je veux dire.... »

Brillant ! Jouer la gênée ? Digne de la plus grande inspiration du moment.

Philip n’était pas franchement convaincu. Savoir que ce bouquin avait été à un endroit précis mille deux cent ans auparavant ne changeait en rien le fait qu’il était aujourd’hui détruit. Là-dessus, l’erreur était impossible, Lip l’avait fait lui-même.
Peu importe, si lui promettre de trouver une date précise arrivait à amenuiser un peu l’inquiétude de son visage, ça valait bien la peine de passer une nuit blanche des les vieux index poussiéreux.
Alors il avait secoué la tête en signe de reddition. Cette femme était assurément sorcière au moins pour un don, celui de lui faire faire absolument tout ce qu’elle voulait sans la moindre difficulté.

« Très bien, je vais fouiller, je te promets. »

N’importe quoi pour qu’elle se sente un peu rassurer.
Cela semblait d’ailleurs fonctionner. Il pouvait la sentir se détendre un peu grâce à cette main qu’il tenait entre les siennes. Il sourit à ses excuses, ayant déjà oublié que le but du jeu était de la mettre dehors et de ne plus la revoir. Aussi bien admettre les faits tout de suite au lieu de se voiler la face plus longtemps, il en était incapable. La première fois, seule la mort avait réussi à le tenir éloigner d’elle. Il ne se faisait plus d’illusion, ce serait pareil ce coup-ci, à l’exception qu’il ferait tout pour l’empêcher.

« Y’a pas de quoi l’être. Tu sais bien que je vais t’aider de toute façon. »

D’habitude, il avait plus de facilité à se fermer aux besoins des autres. Il n’était pas un bon samaritain, pas spécialement un héro non plus. Il sauvait le monde de temps en temps, vrai, mais uniquement parce qu’il devait le faire. S’il y avait une véritable fibre de héro en lui, il aiderait les gens également lorsque le sort du monde n’était pas en jeu.
Et ici encore, une autre que Charlotte serait venue le voir, il l’aurait mise dehors. Mais Charlie, ce n’était pas l’habitude, c’était être égoïste. N’importe quoi pour passer ne serait-ce qu’une seconde avec elle.

Et sur ce, il l’avait embrassée. Parce qu’il en mourait d’envie, parce qu’il ne savait se retenir et aussi parce qu’il ne voyait pas l’intérêt de faire ce qu’il fallait. Il était en partie un démon, non ? Et les démons, ça ne faisait pas ce qu’il fallait, ça faisait ce que ça voulait!
… Sauf lorsque ça avait un petit frère qui lui avait la fibre héroïque un peu plus vivante de par sa jeunesse. C’était louable, il n’avait pas eu le temps de se blaser encore.
Malgré ça, Lip aurait grandement apprécié qu’il n’arrive que dans quelques heures, ce qui, techniquement, il aurait dû faire puisqu’il avait cours!

« Zach putain ! »

Clairement prit en faute, l’ainé c’était un peu écarté de Charlotte néanmoins sans cacher une once d’agacement. Certes, il avait dit à son frère que c’était terminé et qu’il ne la reverrait plus jamais et il avait cru pouvoir tenir cette promesse, mais ce n’était pas comme s’il était sorti la voir, elle était venue le trouver. Il n’était pas tellement fautif au fond!
… Oui bon, il était fautif quand même et il n’y avait que le regard de son petit frère pour faire naitre cette maudite culpabilité.

Et ce fut plus ou moins là que Lip remarqua la petite blonde un pas en retrait derrière Zach. En fait, il avait fallu à la demoiselle qu’elle les salut pour qu’il réalise sa présence et il fronça les sourcils pendant que Charlotte se présentait poliment.

« C’est qui ça ? » interrogea-t-il plus pour lui-même avant de détourner son attention de Charlie qui proposait de finir leur discussion plus tard pour la porter entièrement sur son cadet. « C’est qui ça? »

S'il ne s'en lassait jamais ? Dans un sourire qui voulait tout dire, Zach avait répondu la question avant que la réflexion ne vienne. Elle le connaissait vraiment hein ? C'était un peu difficile à croire quand le matin même, on ne s'imaginait pas que ce genre de choses était possible mais... l'attitude d'Eva amenait à penser que l'hypothèse, bien qu'un peu folle, semblait être la bonne.
Éclaircir tout ça avait toutefois été reporté dans la minute suivante, quand il avait trouvé son grand frère en train d'embrasser son ex. Lip ne lui en aurait pas parlé avant, il se serait imaginé faire face à une Emily revenue d'entre les morts. Et il devait bien avouer qu'à voir la demoiselle assise sur le canapé, il avait à présent de sérieux doutes.
Sans la moindre gêne, il avait coupé l'échange buccal :

« Quoi ? Un problème Lip ? »

Ouais, sûrement le fait de le voir débarquer et de couper leur "conversation". C'était bien le mot que l'autre avait employé non ? Personnellement, il n'aurait pas choisit le même mais il n'attendait pas du sosie d'Emily qu'elle soit très calée en vocabulaire. Si elle était vraiment son sosie parce que, plus il la fixait, plus il se demandait si Lip n'était pas tombé dans le panneau finalement.
Ok, son frère était plus malin que ça. S'il disait que ce n'était pas Emily, ce n'était pas Emily, point barre. Mais quand même... c'était possible ce genre de choses ?
On en sait rien, le voyage dans le temps, c'était possible ? Il n'y avait qu'à demander à la jolie blonde qui l'accompagnait tiens. Zach n'aurait pas été aussi agacé de voir la manière qu'avait son frère de couper les ponts, il aurait sans doute montré un plus grand sens pour la sociabilisation et ce serait même chargé de faire les présentations. Ici, il avait fallut une question pour qu'il prenne la peine de le faire en ignorant complètement la salutation de la brune. Après tout, il n'allait pas mentir, il n'était pas enchanté de son côté :

« Eva, ma future cavalière pour le bal... un truc comme ça. Eva, j'te présente mon grand frère et "Charlotte" qui allait partir. »

Et oui, on pouvait avoir près de 500 ans et aucun sens de la politesse ! Mais en ce qui concernait le cadet des Cooper, il avait un certain don pour l'insolence, don dont il n'allait pas se priver en compagnie de celle qui était toujours assise trop près de son frère à son goût. Le problème avait été réglé quelques secondes plus tard quand il était passé au dessus de la brune pour s'assoir entre les deux tourtereaux.
Ouais... on peut aussi être très vieux et très mature... visiblement. Croisant ses bras dans l'expression parfaite de "j'y suis, j'y reste", il n'en n'avait pas moins oublié Eva qu'il avait fixé quelques secondes, secouant brièvement la tête. ça plus le fait de la présenter à Lip qu'elle disait connaître, le message était plutôt clair. Moins ils en disaient en présence de l'autre, mieux ce serait :

« Mais seule hein. Si y'a quelque chose à dire, je peux rester, mon grand frère ne me cache jamais rien. C'est pas vrai Lip ? »

Clairement un sous-entendu ça non ?
Lip y verrait un sous-entendu s'il voulait en voir un !

L’ambiance était plutôt… froide. Pour ne pas dire glaciale. Pour Eva qui n’était pas supposé y voir là quelque chose d’inhabituel, cela l’était tout de même. Elle avait la sérieuse impression d’avoir raté un épisode. D’ordinaire, Zach était plus aimable que ça avec Charlie. Là, il donnait plutôt l’impression de converser avec un menteur chronique pestiféré. Et Lip avait clairement l’air d’un homme prit en grande faute. Pourquoi? Parce qu’il avait embrassé Charlie? Ça ne faisait pas de sens pour la blonde qui préférait néanmoins ne pas trop faire étalage de ses interrogations. Les choses avaient évolués avant son arrivée il faut croire.  
Et puis, ce n’était pas comme si Charlie et Lip étaient le centre de cette histoire. Aujourd’hui, le seul sujet dont il fallait débattre, c’était Zach et son destin un peu trop mortel pour un immortel!

Mais que le garçon interrompe cette scène pour en venir à ce fait était trop demandé, évidemment. Le brun avait ses propres priorités qui, apparemment, étaient surtout de mettre de la distance entre son frère et l’autre sorcière.
De cette attitude de morveux, il n’était pas difficile à reconnaitre, mais pour Eva qui avait plus important à discuter, c’était un peu lourd à observer.
Et à voir la tête blasée de Philip, il partageait au moins ce sentiment.

De tout ça, toutefois, ce qu’avait principalement retenu Eva outre la mésentente clairement visible entre Zach et Charlie, était que son amie avait des problèmes. Cette histoire de discussion sonnait trop sérieuse au goût de la voyante et vue comment les ennuies leur courrait derrière dans le futur, il ne faisait aucun doute à la blonde que c’était déjà le cas dans le passé, ahem… présent!

« Qu’est-ce qui se passe? T’as un problème? »

Intéressée, intriguée, compatissante, l’adolescente n’avait pas tardé à laisser ses familiarités des lieux s’exprimer davantage en venant s’asseoir sur le bras du fauteuil qui faisait face au canapé déjà bien peuplé – principalement par un Zach qui faisait exprès de prendre toute la place au milieu.

« Comment on peut aider? »

On, qui ça on?
Habitude, réflexe, difficile de ne pas parler au nom de son couple parce que celui-ci n’existait pas encore!
Ce bon dans le temps avait de quoi donner le tournis, heureusement qu’Eva n’était pas du style à faire bien attention aux détails… ou malheureusement. C’est qu’à force, elle allait avoir une foule de questions et ce n’était pas donné qu’ils la croiraient sur parole étant donné les réponses!

Sans le savoir, Philip venait juste d'épargner à Marlene un petit tête à tête sympathique avec sa prétendue petite fille. Dans un sens, il sauvait tout de même la vieille en aidant Emily à mettre la main sur le grimoire dont elle avait besoin. Visiblement, il aurait été inutile d'en faire baver à la grand-mère qui n'avait jamais tenu le livre de sorts entre ses mains. Elle en avait peut être entendu parler, rien de plus.
Le plus amusant dans tout ça aux yeux de l'ancêtre, c'était que ce soit le gardien qui l'avait tué pour l'arrêter dans son chemin du mal, soi-disant, qui l'aidait aujourd'hui à y avoir accès. Oui, il fallait savoir se satisfaire des petits plaisirs de la vie. Et elle semblait en tout cas le faire à l'heure actuelle en répondant à cet échange bien agréable. Si l'autre emmerdeur n'était pas entré, elle aurait sans aucun doute chercher à emmener Philip plus loin. Pas uniquement parce qu'elle en avait envie, mais aussi parce qu'elle prenait un malin plaisir à remettre sa descendante à sa place.
Ils s'étaient séparés et Emily s'était imaginée Ragnar arrachant la tête de l'autre imbécile pour masquer la colère qu'elle ressentait à sa vue.
Ignorant parfaitement la suggestion de son départ, elle avait détourné son attention vers Eva. Donc la blonde était la nouvelle petite amie de Zachariah. Voilà un élément intéressant qu'elle n'oublierait pas. Est-ce qu'il était attaché à elle ?

« J'peux savoir ce que je t'ai... oh, laisse tomber, j'crois que j'ai compris. T'as rencontré la psycho avant moi... si ça peut te rassurer, j'suis pas armée ! »

Oui, Charlotte ne ferait jamais de mal à Zachariah. Elle était une gentille petite sorcière qui vivait chez sa tarée de grand-mère !
Il n'avait aucun soucis à se faire ! Là où il aurait pu éventuellement en avoir c'est si Emily était revenue d'entre les morts pour prendre possession dans sa descendante.
...
Oh, c'est vrai, c'était le cas. Une bonne âme pour lui conseiller de prendre la fuite ? Pas elle en tout cas ! Elle prenait bien trop de plaisir à imaginer son corps inerte sur le sol et... peut être devrait-elle demander à Ragnar de prendre son temps, ajouter cette partie là au marché. Poussant un soupir d'exaspération, exaspération qu'elle n'avait pas besoin de cacher vers l'attitude du cadet, elle s'était décalée pour être moins collée à lui.
Choisissant de ne rien répondre au plus jeune qui en avait de toute manière après son aîné désormais, elle avait reporté son regard sur Eva quand celle-ci s'était approchée pour s'asseoir en face. Décidément, cette époque ne connaissait plus le terme d'intimité. Toutefois, elle avait bien vite oublié de pester là-dessus intérieurement face à la bonne samaritaine que jouait la blonde.

Si elle ne le montrait pas extérieurement, intérieurement Emily avait sentit une pointe de stress dans son parfait jeu de comédienne. Est-ce qu'elle s'était plantée ? Est-ce qu'au final Eva était une amie de Charlotte ? Impossible de le demander à cette dernière qui prenait actuellement un malin plaisir à gaspiller ses pauvres forces en l'empêchant de fouiller. Ok... peut être qu'elle ne gaspillait pas tant que ça et que le moment était particulièrement bien choisit.
Qu'est-ce qu'elle était sensée faire au juste ? Ou plutôt qu'est-ce que Charlie aurait répondu à ça ?
Mieux valait peut être déterminer si elle la connaissait ou non, et personne ne lui dirait ici.
Ou alors répondre d'abord. Un trop long silence serait gênant.
Prenant quelques secondes sur elle, elle s'était ordonnée de se calmer. Ce n'était pas le moment pour se trahir, elle aurait pu mettre plus d'énergie à fouiller la tête qu'elle possédait, mais l'un d'eux aurait peut être remarqué les efforts de concentration qu'elle faisait.
Elle devrait prendre une décision, et elle devait la prendre maintenant.

« J'suis pas sûre que ce soit une bonne idée, ou qu'il en ait envie. »

Désignant Zachariah d'un mouvement de tête, elle avait trouvé sa première approche plutôt bonne. Regagnant un peu en confiance, elle avait rapidement enchaîné :

« Et puis... c'est assez dangereux, il faut être une initiée. »

Si Eva se trouvait là, il y avait un bon pourcentage de chance qu'elle le soit non ?
... d'accord, mais la véritable question était, est-ce que Charlotte était sensée le savoir ou pas ?
Consultant Philip d'un coup d'oeil, elle avait jugé qu'Emily ferait ce genre de trucs, prendre l'avis de quelqu'un.
Elle ne pouvait pas faire mieux sans se mouiller.

« Il le sait très bien. »

Sa tête d’enterrement, il ne faisait aucun effort pour la cacher et encore moins avec Zach qui venait s’asseoir entre eux comme s’il s’agissait de maman et son nouveau copain et qu’il avait huit ans. À l’exception que Lip n’était pas sa mère – même s’il l’avait en partie élevé – et que Zach n’avait plus huit ans depuis pas loin de cinq cents ans!
Son attitude de merde, toutefois, ils auraient tout le temps d’en reparler lorsqu’il n’y aurait aucune spectatrice pour les contempler. Si le petit frère n’avait aucun problème à se donner en spectacle, l’ainé avait un peu plus de réserve!... oui bon ok, uniquement parce qu’il était le fautif de l’histoire, mais n’allez pas le lui rappeler, ça ne ferait qu’empirer les choses.

En ce qui concernait la cavalière de Zach pour le bal, Lip avait deux observations sur cette question qu’il ne manqua pas d’extérioriser.

« Un bal, quel bal? Et depuis quand tu vas à ces conneries? »

C’était d’habitude les rassemblements blasant que son petit frère fuyait allègrement. Et là, il amenait une fille à l’un de ces trucs avant même que Lip ait entendu la ritournelle médisante qui accompagnait normalement l’annonce d’un bal?
Son côté grand frère émergea en un éclair et le plus vieux détailla l’adolescente de haut en bas comme s’il avait possédé des rayons-x à la place des yeux.
Toutefois, il allait devoir remettre l’examen à plus tard parce que Zach mettait soudainement sa parole en doute. Non, il ne lui cachait jamais rien, il pouvait ravaler son ton sarcastique. Il lui avait parlé de Charlotte non? Un peu à retardement, soit, mais il l’avait fait, c’était une preuve!

« Je t’ai tout dit. »

Juste au cas où Zach douterait un peu.

« Charlie est venue me voir parce que sa grand-mère a des soucis. »

En dire plus en présence de la blonde étrangère était délicat. Pour ne pas dire impossible dans l’immédiat. Pas certain que Zach aimerait que sa future cavalière entende parler de magie, de grimoire disparu, de besoin de le récupérer quand même – cette partie il n’était pas encore certain de comprendre comment –, de risque de mort, etc etc. la routine quoi! Leur routine, sûrement pas celle d’une adolescente qui, vu l’accent observé, n’était même pas du coin.

« Des soucis dans notre registre d’activité, tu vois le genre? »  

Pas armée, pas armée… c’était vite dit ! Un jour on jouait à la mère de famille en jupons, le lendemain on sacrifiait de pauvres grenouilles innocentes au dessus d’un chaudron pour devenir invincible. Qu’on pardonne son scepticisme sur le sujet, il avait toujours eu un peu de mal à croire les revenantes de sorcières psychopathes.
Mais avec les gardiens dans le genre petit con ça allait ? Ouais, ça il avait eu presque cinq siècles. Rien ne servait toutefois d’en rajouter une couche quand il était bien plus utile de s’exprimer par les gestes en s’incrustant au milieu du gentil petit « couple ». Il n’ignorait pas faire preuve d’une grande impolitesse et tout ce qui allait avec. Ouais, il aurait pu dire un mot gentil à Charlotte suite à sa présentation mais Philip avait été bien assez gentil pour deux.
Et puis, la conversation avait dévié sur Eva et ce fameux bal auquel il était supposé aller prochainement. La surprise de Lip n’avait rien d’étonnant. Lui-même avait été assez surpris de l’apprendre alors qu’il était supposé y aller…. Maintenant qu’il y pensait, peut être qu’il allait se cogner la tête dans les jours à venir et complètement dérailler….

« Un truc déguisé qui a été voté par le Comité des Fêtes du lycée. » Un truc déguisé ? Est-ce qu’il voulait que Lip pense que son petit frère prenait de la drogue ? « Et me demande pas, j’essaie toujours de comprendre. »

Y’avait rien à comprendre maintenant. Si le Zach du futur n’était pas mort et présent parmi eux, il se serait sans doute justifié pour éclairer leurs lanternes de pauvres Cooper. Ce n’était pas très compliqué de toute manière.
Dans quelques temps, quand il déciderait d’aller à ce bal avec elle, ce serait simplement parce que c’était Eva. Eva qui méritait bien de faire des trucs de son âge et pas une Eva qui sortirait avec un gardien près à partir du jour au lendemain sans être certain de vraiment revenir. Eva avec qui on profitait du temps passé ensemble. Eva, celle pour qui il serait capable de bien plus que d’aller à un simple bal.
Quoique… le bal c’était peut être bien le pire.
Bref, de toute manière, ce n’était pas le moment de changer de sujet et ramener le débat sur leur « conversation » lui semblait bien plus important
Donc, Charlotte, ici présente, n’avait personne d’autre que son frère à emmerder ? C’est vrai que jouer les demoiselles en détresse, ça rapprochait toujours… ouais, c’était pas idiot de venir pleurer là.
Et qu’est-ce qu’il lui disait qu’elle était si fourbe ?
Ok… il exagérait peut être un peu… mais juste un peu :

« Et ça c’était avant ou après que tes lèvres tombent accidentellement sur les siennes ? »

Par contre, pour être chiant, il savait ne pas l’être qu’un peu. Mais que Philip se rassure, il suffisait parfois d’une blonde pour être vengé.
« On » ? A ce mot, Zach avait détourné le regard vers Eva. Elle venait bien de dire « on » ? Fronçant les sourcils, son expression ne pouvait pas être plus claire. C’était quand qu’il avait proposé de jouer les bons samaritains ? Elle n’était même pas encore sa cavalière que déjà elle le foutait dedans… les femmes ! Dans un soupir, il avait piqué la bouteille des mains de Charlotte avant d’en boire quelques gorgées. Hochant la tête, il n’avait pu s’empêcher de saisir la perche tendue par la revenante quelques secondes plus tard :

« Là, elle marque un point ! Elle est perspicace, on peut pas lui retirer ça. »

Il aurait pu relever que, en tant que sorcière, c’était le registre d’Eva mais honnêtement, il avait encore moins envie qu’elle se mêle de ça qu’il ne s’en mêle. Ouais, elle était assez grande pour décider elle-même et vu sa manière de parler à Charlotte, il était à peu près certain de pouvoir deviner la tournure des choses.

« Y’a rien à comprendre, tu vas le faire, un point c’est tout. »

Et maintenant que le cas du bal était clôt – du moins l’estimait-elle puisqu’il n’y avait rien de plus à dire sur ce sujet – ils pouvaient entrer dans le vif du sujet. Celui qui expliquait la présence de Charlie dans le logement des gardiens même si, du point de vue d’Eva, il n’y avait rien à expliquer. Charlie était là parce que c’était un peu son chez-elle aussi, au même instar que la blonde.
… Mais peut-être pas finalement. La relation entre le grand-frère et la sorcière devait être beaucoup plus récente que ce que croyait la voyante. Personne ne parlait proprement des faits, mais c’était assez nébuleux et inconfortable dans le coin pour qu’Eva arrive à comprendre l’essentiel. Ce froid immense entre Zach et Charlie, sans compter Lip qui avait l’air bien coincé entre l’arbre et l’écorce.
Mah, tout ça changerait très bientôt! Peut-être même plus tôt que prévu, parce qu’Eva n’avait pas l’intention de laisser les choses ainsi. Profitons de ce voyage dans le passé pour corriger deux trois petits trucs supplémentaires, pourquoi pas!

« Oh non ça va, inutile de faire tant de secrets pour moi les gars! »

D’un large sourire, elle avait parlé comme si le secret en question était la pompom-girl la plus sexy du bahut et non le fait qu’une vieille sorcière risquait sa vie si on ne mettait pas la main sur un grimoire empli de formules magiques… un grimoire détruit par un type immortel qui se tenait justement dans ce salon et qui avait détruit ce fameux grimoire deux cents ans plus tôt.
Mais les voyantes blondes de ce monde ont une conception bien à elles de la normalité. Surtout celles venues du futur qui sont là pour sauver leur copain décédé d’une mort imminente.
M’ouais… peut-être que si elle précisait ce détail, ils ne surveilleraient pas autant leurs paroles en sa présence.

« Je suis parfaitement initiée à vos histoires, tout le monde va gagner du temps si on met carte sur table tout de suite. »

Elle avait mimé des guillemets à initiée et était probablement la personne la plus confortable autour de cette table à café. Ayant due garder le secret de sa nature toute sa vie, depuis qu’Eva avait trouver ces gens-là, elle se plaisait beaucoup trop à pouvoir partager ce qu’elle avait porté toute seule pendant des années pour replonger dans le silence impénétrable.

« C’est quoi le problème avec Marlene? »

Qui avait dit son nom? Aujourd’hui, personne, mais évidemment qu’Eva la connaissait! La blonde avait rapidement été adoptée par la grand-mère de son amie… du moins le serait… d’ici quelques semaines si ses calcules étaient bons.
Passant son regard de l’un à l’autre des trois occupants du sofa en face d’elle, Eva attendait, sourcils haussés, que l’un d’eux ouvre sérieusement la bouche cette fois-ci.

Sans l’aide de Charlotte, elle était capable de comprendre quelques trucs sur la blonde et Zachariah. Elle était du moins capable de deviner la nature de leur relation. Si Eva lançait un « on » si facilement et si en plus de ça le plus jeune des deux gardiens l’emmenait à un genre de bal, ils étaient ensemble et elle n’avait aucun de doute là-dessus. Et puis, cette manière qu’avait Eva de les englober si facilement dans un « on » montrait même que c’était du sérieux.
C’était une information utile, pour plus tard. Ceci dit, Zachariah serait peut être mort avant qu’elle puisse avoir la joie de le voir perdre sa précieuse blonde. Dommage…. Par envie de jeu, elle aurait pu lui laisser quelques jours de plus à vivre, mais elle ne voulait pas l’avoir dans les pattes une seconde fois. Plus vite il ne serait plus de ce monde, mieux ce serait pour elle.
On ne savait toutefois jamais comment les choses tournaient.
Si elle n’était pas intervenue dans la conversation sur cette fameuse soirée, c’était uniquement parce qu’elle l’a trouvé d’un ennui mortel et pas franchement utile en ce qui concernait son problème.

Pour ce qui était de la suite par contre… Eva venait tout juste de gagner un second intérêt.
Alors que tous avaient cherché plus ou moins à l’exclure de la conversation, elle revenait dans la partie en délivrant un élément fort intéressant. Et elle se classait dans quelle catégorie d’initiés exactement ? Obligatoirement quelque chose qui se vendait pour intervenir de cette manière. Une sorcière ? Voilà qui serait fort intéressant pour la suite.
Mais avant toute chose, et avant de la mêler à cette histoire, il y avait une voix fort désagréable à faire taire, voix appartenant à celui qui avait pris la bouteille :

« Excuse-moi, mais à part si t’as un soucis avec moi qui se justifie, tu peux garder tes remarques pour toi. »

Quoi ? Charlotte n’aurait-elle pas finit par réagir aux agressions injustifiées ? Si. Ce gamin était agaçant pour n’importe qui non ?
Maintenant que c’était dit, elle avait de nouveau reporté son attention sur Eva. Attention qu’elle aurait autrement gagnée en citant le nom de Marlene. C’était qui cette fille à la fin ? Si elle leur révélait être une initiée, Charlie ne pouvait pas la connaître non ? Mais alors comment elle connaissait Marlene ?
Sourcil levé, Emily l’avait fixé quelques secondes avant de reprendre une expression plus neutre. Cette blonde était agaçante ! Elle ne savait même plus comment réagir en sa présence désormais alors qu’elle avait encore l’impression il y a quelques secondes de jouer la Charlie avec talent.
Garder son calme était la première chose à faire. Deuxième étape, laisser passer plus de tristesse dans son regard à la future évocation de Marlene, et simplement se lancer comme elle le faisait encore il y a quelques minutes :

« Elle s’est attirée des ennuis et, pour faire court, si je veux continuer à parler d’elle au présent, il me faut un bouquin qui n’existe que dans le passé. Si t’es réellement initiée, et pas qu’à moitié, tu comprends que c’est compliqué. Maintenant, si tu veux aider malgré tout, un coup de main ça peut toujours faciliter les choses. »

Elle acceptait ?
Si cette fille était une sorcière comme elle, ça pouvait toujours se révéler utile et même plus simple de remonter le temps plus loin. Et puis, elle était assez curieuse de voir ce qu’elle avait à offrir… ça pouvait toujours lui être utile bien plus tard.
Sans compter que, vu la réaction de Zachariah, elle prévoyait que ça allait le contrarier. Et ça, c’était un petit plus non négligeable.
Est-ce que Charlie accepterait de l’aide si facilement ? Dans l’espoir de sauver sa grand-mère bien aimée, peut être que oui, peut être que non mais ce n’était pas franchement important. Ce qu’elle ignorait complètement en revanche c’est si Charlie aurait posé la question sur son degré de connaissance de Marlene. Dans le doute, elle avait préféré taire le sujet.

« Si vous pouviez garder vos trucs chacun pour vous ça arrangerait tout le monde j’crois. »

Certes, sur ce coup, Zach était bien plus fautif que Charlie qui essayait principalement d’être aimable avec son petit frère, mais comme avec les gamins, il était préférable de rappeler les deux à l’ordre s’il voulait avoir une chance de s’en sortir sans que ça bougonne encore plus.
Coincé entre deux feux, Lip devait en plus faire avec la nouvelle venue visiblement proche de son petit frère.
Pour quelqu’un qui lui reprochait presque de lui cacher des trucs, Zach n’était pas bien mieux puisqu’il n’avait jamais même entendu vaguement parlé de cette blonde visiblement assez importante pour son frère pour qu’il daigne assister à une soirée comme il les détestait tout particulièrement.

La jugeant encore plus attentivement lorsqu’elle affirma être une initiée devant qui ils pouvaient parler sans gêne, Lip commençait sérieusement à se demander où son frère était allé pêcher cette fille-là.
Cette fille connaissait la grand-mère de Charlie.

« Mais d’où elle sort celle-là? »

Non, il posait la question à la mauvaise personne. Délaissant Zach, il se tourna vers la fameuse adolescente.

« D’où tu sors toi? »

Le contrôle sous son propre toit, il y avait déjà de longues minutes que le plus âgé du groupe l’avait perdu.
C’était un festival c’est ça? Un coup monté peut-être!
Non, impossible. Jamais Zach ne se serait accoquiner avec le double d’Emily pour lui faire l’une de ses farces. Il était du genre à y mettre des efforts, mais jamais autant que ça!
En attendant de savoir pourquoi on lui en voulait à ce point aujourd’hui, l’immortel commençait à regretter son début d’ivresse qui lui donnait l’impression de tout comprendre une minute en retard sur les autres. Ou à regretter sa bouteille, au choix.

Pendant que Charlie réexpliquait le problème avec sa grand-mère, Lip profita que le bourbon soit dans les mains de son petit frère pour reprendre son bien et s’en offrir une généreuse lampée.
Puis, lorsque la sorcière eut terminé d’exposer à nouveau les faits – sans que le gardien approuve réellement de dévoiler le tout à une étrangère qui ne devait pas avoir vingt ans – il jeta un œil entendu avec Zach.

« J’ai un peu beaucoup détruit ce bouquin, tu vois le dilemme. »

Comment mettre la main sur quelque chose qui n’existait plus? En voilà une sacrée énigme qui n’était qu’à demi responsable du mal de tête qui commençait à s’emparer de son crâne. À demi seulement, l’autre responsable était dans ses mains et Lip ne comptait pas se le faire chourer de nouveau!

Alors qu'il avait froncé les sourcils, le regard porté sur Eva comme pour lui signifier que certaines remarques seraient mieux dites plus tard que maintenant, son attention avait été captée par son grand frère bien aimé.
Tiens donc, Lip était de mauvais poil. Bizarre.
... c'était probablement dû au fait que son petit con de petit frère venait de rentrer à la maison au mauvais moment et qu'il n'avait pas manqué de l'ouvrir. Quoi ? Ne valait-il pas mieux dire quand quelque chose vous dérangez plutôt que de ruminer et d'attendre que ça explose ?
Ouais... peut être qu'il partageait trop ses sentiments sur la situation. Haussant les épaules, il avait finalement accepté à sa manière de la fermer un peu. Pour sa défense, le dernier à attaquer n'était pas lui mais l'autre. Et il avait pris sur lui pour ne pas répondre plus qu'un mouvement de doigt qui zippait les lèvres.

Lip & Charlotte étaient passés au second plan dans les sujets de conversation de toute manière. A nouveau, il avait froncé les sourcils à l'adresse de la jolie blonde. Mais qu'est-ce qu'elle foutait ? Elle partageait beaucoup trop d'informations.
Qu'elle dise qu'elle était une initiée était une chose, et même si ça ne lui plaisait pas beaucoup qu'elle cherche à se mêler des affaires de Charlotte, il pouvait faire avec... mais qu'elle balance le prénom Marlene, comme ça, venu de nul part et qui s'avérait être celui de la grand-mère dont la brune parlait... ça manquait bien trop de discrétion à son goût pour qu'on ne se pose pas de questions.
S'il avait encore un peu de mal avec le principe, elle lui avait déjà prouvé plusieurs fois qu'elle n'avait pas besoin de mots pour lui dire d'où elle venait. Si Lip était digne de confiance et qu'il ne se faisait pas de soucis là-dessus... Charlotte, c'était autre chose. Il préférait qu'elle sache le strict minimum. Son prénom par exemple c'était suffisant.
Et en quoi ça le regardait ? Eva était une grande fille après tout.
Il se sentait responsable, c'est tout.
Philip n'était pas idiot et avait finalement posé une question qui prouvait qu'il devait s'en poser pas mal de son côté.

« De mon lycée, c'est une nouvelle élève. Je t'en parlerai plus tard, y'a plus urgent visiblement. »

Ouais, il avait reposé la question à Eva mais vu la discrétion de cette dernière, il préférait prendre les devants sur ce coup là. Et pourtant, Dieu sait que son côté emmerdeur avait eu envie de jouer au muet ! A la place, il avait renié sa nature de chieur et s'était même fait piquer sa bouteille dans la foulée. Voilà pourquoi il ne s'était pas privé de filer une tape viril sur l'épaule de son frère quand ce dernier avait conclu l'histoire :

« Bien joué Bro ! »

Bien joué ? Bien joué ?! Mais il avait détruit le bouquin dont Charlotte, le sosie de sa meilleure amie du passé, avait besoin !
Justement....
Oui mais, c'était également pour cette raison qu'Eva était sur le point de filer un coup de main à la brune.
C'était le problème avec les satisfactions, elles étaient de courtes durée :

« Remettre comme neuf un bouquin détruit ? Ouh, ça a l'air passionnant, j'en suis ! »

Si le ton était ironique, il restait néanmoins. Pour deux raisons : Eva et Philip. L'une allait se foutre dedans et l'autre y était déjà. être en retrait était simplement impossible.

Si quelqu’un d’autre qu’Eva se serait dit qu’il était plus ou moins le bon moment pour expliquer réellement d’où elle venait, comment elle était venue et pourquoi, ce n’était pas particulièrement le cas de la blonde qui se sentait parfaitement alaise avec ces regards interrogateurs qui la jaugeaient avec méfiance. Philip était un sceptique de nature et Charlie… Charlie était un peu bizarre. Ok, elle ne la connaissait pas encore, mais à leur rencontre – celle qu’elle avait vécu du moins – il n’avait suffi que d’un regard pour partager films, crème glacée et vernis à ongles! Précipiter cette rencontre ne devrait pas en altérer la nature, si?
La jeune sorcière commençait à comprendre pourquoi Lip n’était pas chaud à l’idée de ce voyage dans le passé même si c’était pour sauver son petit frère. Si elle venait de troquer sa plus belle amitié entre filles pour de l’animosité, elle le regretterait pour toujours.
Toutefois, ce n’est sans surprendre qui que ce soit la connaissant qu’à la question de Philip elle se contenta d’hausser les épaules pendant que Zach prenait sur lui d’expliquer vaguement les choses. Il avait relativement raison, sauf qu’elle se permit d’ajouter le petit détail qu’elle ne pouvait passer sous silence :

« Nouvelle Zélande. »

Cela justifiait évidemment tout le reste!
Bha quoi? Elle était fière de ses origines et les portait avec orgueil!

Et puis, lorsque Charlie daigna enfin exposer les faits concernant sa grand-mère, Eva n’en demeura pas moins souriante. Ils allaient la sauver Marlene, c’était du gâteau! Et cette confiance se reflétait peut-être un peu trop sur son visage à l’expression assurée. Ok, pour une voyante, il y avait de quoi être confiante la majorité du temps, mais même si elle n’avait rien vu concernant l’avenir de la grand-mère de Charlie, elle n’avait pourtant aucun doute sur l’issue de cette histoire.
Le problème majeur avec déjà sa solution toute trouvée!
Il n’y avait pas de raison que ça échoue, les deux filles l’avaient déjà fait! Ou plutôt, Eva l’avait déjà fait et Charlie allait le faire dans un futur proche…

« Suffit d’aller le chercher là où il n’est pas encore détruit. »

Sceptique prise deux. Mais la blonde ne s’arrêtait pas à ces regards-là, autrement il y a bien longtemps qu’elle aurait cessé de faire ou dire quoi que ce soit.

« Plus il faut reculer, plus c’est difficile, mais c’est faisable. »

Ils ne la croyaient pas?
Bien sûr qu’ils ne la croyaient pas!
Et leur expliquer?
Leur expliquer quoi?
… Le syndrome de la blonde est lourd mes amis, parfois même très lourd.

Dans un haussement d'épaules, Charlotte/Lily avait répondu à la remarque de Philip, pas plus. Aussi plaisant que cela puisse être, rabaisser Zachariah n'était pas la meilleure tactique pour l'heure. Son elle officielle ne l'aurait peut être pas fait, au début du moins, et puis ce n'était que pure perte de temps. Des gamins comme Zachariah, il fallait les dresser d'une autre manière. Et puisque traumatiser les âmes innocentes n'était pas sa priorité pour le moment, autant se focaliser sur la seule chose qui devrait importer à tous à l'heure actuelle : son précieux grimoire que Philip avait détruit, probablement après s'être cogné la tête ou un truc du genre.
Même si actuellement, la petite blonde monopolisait l'attention. D'accord, peut être qu'elle était intriguée également. Si savoir qu'elle était néo-zélandaise et nouvelle élève était... comment dire ? Complètement inintéressant, la suite semblait beaucoup plus passionante.

Préférant ignorer la félicitation de l'attardé de service en ne lui accordant qu'un soupir, elle s'était penchée vers Eva.
D'accord, malgré son manque de goût évident en matière d'homme, elle pourrait lui être plus utile que prévu, bien plus utile. Apprendre que la lycéenne était une de ses semblables était déjà un bon point niveau servitude. Mais si en plus de ça elle n'était pas ignare du voyage dans le temps, elle voulait bien jouer à sa meilleure amie le temps qu'elle récupère son grimoire.
Elle était même prête à faire semblant qu'elle lui soit indispensable si ça pouvait flatter un peu son égo. Aaah, ce qu'on faisait pas pour faire bronzer un vampire, tuer un gardien et ne plus prendre une ride pour les siècles à venir !

« Attends, tu connais les voyages dans le temps ? Version t'as déjà essayé ou t'en es qu'à la théorie ? Parce que dans le premier cas, t'es officiellement ma partenaire. »

Un petit sourire avec un brin de soulagement, on tient la pause quelque seconde, parfait c'est dans la boîte !

« Ce sera beaucoup plus facile si on est deux... et que deux. Désolée, j'vois que tu meurs d'envie de m'aider mais techniquement ça va être compliqué d'emmener des passagers. »

Vraiment ? Croyez-le ou non mais, sur ce coup là, elle ne mentait pas. Ce serait Eva et elle. Certes, elle était ravie d'annoncer à Zach qu'il restait sur place, mais elle n'aurait pas été contre une escapade avec Philip alors qu'ils étaient si bien partis pour renouer les liens du passé sur ce canapé quelques minutes plus tôt.
Concentration, elle aurait tout le temps de batifoler plus tard.

Nouvelle-Zélande. Nouvelle-Zélande? En quoi ça changeait quelque chose qu’elle vienne de Nouvelle-Zélande ou de Tombouctou?! Certes, maintenant il pouvait mettre une origine sur cet accent, qui, maintenant qu’il avait la réponse quant à sa provenance, faisait bien du sens, mais ce n’était pas comme si c’était particulièrement utile au reste. Ça n’expliquait en rien, pas plus que de savoir qu’elle était de l’école de Zach, ce qu’elle faisait ici, sur son fauteuil, aujourd’hui, juste maintenant, à parler de trucs dont une étudiante de son âge ne devrait même pas connaitre l’existence!
Contrôle Lip, contrôle!

Ouais bha justement, il était bien là le problème, le contrôle, Lip n’en avait même plus une misérable miette!
Encore moins maintenant que Charlie parlait de voyage dans le temps de manière très sérieuse. Plus que tout à l’heure en tout cas.

« N’importe quoi, je te l’ai dit, le voyage dans le temps c’est im-po-ssi-ble. »

Il avait pris bien soin de détacher chaque syllabe pour être bien certain d’avoir articuler le bon mot. Celui qui veut dire : pas possible, pas faisable… impossible quoi!
Mais les filles autour de cette table à café étaient marteaux, ou du moins commençait-il à le penser parce que pour ni l’une ni l’autre ce détail ne semblait important.
Et comme s’il n’y avait que ça, maintenant elle parlait de faire l’escapade rien qu’avec l’autre blonde qu’ils ne connaissaient même pas!

« woh woh woh, attend une minute. »

Le contrôle, il était temps de le reprendre!
Ou à tout le moins… essayer.

« On dit une seconde, juste une seconde, que c’est faisable. Il est absolu-factolument pas question que ce soit sans nous. Parce que je sais pas si vous le savez, mais le VIIIe siècle, c’est pas jojo. »

Si elles ne le savaient pas, lui le savait pour l’avoir presque connu! Aussi longtemps avait-il vécu, il n’était pas encore né à cette époque, mais la sienne y ressemblait encore suffisamment pour qu’il ait une bonne idée du genre dans lequel ils allaient tomber… toujours en admettant que le truc était possible, évidemment!

« De toute manière, je vois même pas pourquoi on en parle, c’est pas possible! »

Ouais, elles ne semblaient pas familières avec le terme impossible, aussi bien mettre l’idée à sa plus simple expression.

Il y a moins d’une heure, il était là, tranquille, à tenter de manger un sandwich comme un simple lycéen. Il s’apprêtait à aller à son cours préféré en parlant de ce bal trop excitant où il irait avec une jolie fille pour narguer ses camarades.
…
Ok, il n’avait rien d’un simple lycéen et le bal n’avait rien d’excitant à son goût, mais il s’apprêtait néanmoins à déjeuner en maudissant le jour où il avait été décidé qu’il irait sur les bancs de cette école pour se mêler à la population qui prouvait la descendance avec nos amis les singes.
Un peu plus récemment, il venait annoncer à son grand frère qu’une sorcière, probablement venue du futur, l’avait mis en garde sur sa prochaine mort.
Et maintenant, ils parlaient de se rendre dans le passé pour trouver un bouquin que son frère avait détruit dans un passé un peu plus récent.
Il exagérait s’il disait que cette journée rentrait dans le top 10 des plus étranges ? Non, si on ajoutait à ça que le voyage était proposé par le sosie d’Emily, ils pouvaient peut être décrocher la place numéro un d’ailleurs.

« Cette journée devient meilleure de minute en minute…. »

Et on ne doutait pas de l’ironie de la réplique quand on savait qu’il l’avait placé juste après celle de la brune proposant à sa future cavalière de l’accompagner au VIIIème siècle à en croire ce que venait de dire son frère.
Même sans l’aspect époque difficile pour deux jeunes femmes, le côté protecteur n’allait pas se taire si facilement. Raison pour laquelle, depuis son arrivée au milieu de la « prise de distance » entre Charlotte et Lip, il avait manifesté son accord avec ce dernier dans un hochement de têtes et quelques mots :

« Là-dessus on est d’accord ! Et c’est pas négociable. »

Et pour le voyage dans le temps, pas de scepticisme ? Non, mais il n’allait pas dire à son frère devant Charlotte que c’était plus possible qu’il ne le pensait.
S’il avait une confiance aveugle dans son frère, ce n’était pas le cas de Charlotte qui lui rappelait trop une certaine sorcière qu’il ne portait pas dans son cœur.

Des machos têtus, comment avait-elle bien pu oublier que les frères Cooper étaient les indétrônables champions de cette catégorie?
Eva soupira, ne prenant même pas la peine de cacher son agacement, pendant que les deux gardiens y allaient de leurs commentaires. Si Zach était plus sage dans la mesure où il ne perdait pas son temps à épeler le mot impossible pour strictement rien, son insistance à les accompagner dans ce nouveau voyage était aussi tenace que celle de son ainé.
Pas de bol pour leur virilité, mais Charlie avait tout à fait raison, les voyages dans le temps, c’était complexe et difficile. Reculer jusqu’au VIIIe siècle – à en croire Philip en tout cas – ne serait pas mince affaire puisqu’elles avaient peiné à faire reculer Eva – elle toute seule – d’à peine quelques semaines dans le temps.
Elles allaient devoir y aller toutes les deux pour être en mesure de revenir, mais ça voulait également dire de propulser deux êtres vivants treize siècles en arrière sans que rien de fâcheux n’arrive.
Des choses comme une distorsion dans le continuum espace-temps – merci Dr. Emmet Brown pour ces incroyables connaissances! – ou encore qu’un bras, une jambe ou un tronc se retrouve à la mauvaise date et sans le reste du corps. Des trucs peu souhaitables quoi!

« Arrête de dire que c’est impossible, on a compris l’idée. Sauf que tu te trompes, c’est possible parce que je l’ai déjà fait. »

Et maintenant que Lip pouvait ravaler ses dents et qu’elle répondait à Charlie d’une pierre deux coups, Eva laissa échapper un sourire, bien satisfaite d’elle-même. Évidemment, elle n’avait pas précisé être actuellement dans le passé, mais était-ce important?
Oui, quand même un peu.
Non, pas tant que ça. L’important, c’était de savoir qu’elle pouvait le faire. Qu’elle soit en train de le faire n’était qu’un détail.
Un détail quand même important!
Que Zach n’était pas pressé de révéler non plus.
Par choix et non par blonde-attitude comme certaines!

« Le VIIIe siècle ça va pas être de la tarte par contre. »

À ces quelques mots, elle planta plus précisément les yeux dans le regard de Zachariah, la mine un peu désolée.
Avoir un garde du corps – lui, tout spécialement – ne lui aurait aucunement déranger, elle n’était pas ce genre de féministe endurcie, elle aimait bien les mecs galants qui savaient encore vous ouvrir la porte, mais ce n’était pas possible, hélas.

« Et moins de passager on sera, le moins de rater il risque d’y avoir. »

Dans un hochement de tête, Emily avait appuyé la remarque de la blonde. Voyager dans le temps n'était pas impossible pour une sorcière avec un minimum de bagages, encore moins pour deux. Apprendre que la nouvelle venue était de celles qui avaient déjà expérimenté le voyage était une excellente nouvelle. Eva passait du statut de greluche de Zachariah à greluche de Zachariah utile. C'était décidé, elle l'accompagnerait. Vu la "distance" à parcourir, deux valait mieux qu'une.
Elle ignorait de quelle famille était sa nouvelle prétendue amie, mais elle devait avoir une certaine expérience pour parler avec autant d'assurance d'un trajet que beaucoup de leur espèce qualifierait de complexe. Là où d'autres lui auraient conseillé de renoncer en apprenant l'époque, Eva avait l'air prête pour faire le chemin avec une parfaite inconnue. Du moins, elle espérait qu'elle soit une parfaite inconnue, sinon elle risquait gros à passer du temps avec elle. Dans le cas contraire, il n'y avait aucun doute qu'elle l'aurait repris non ? Inutile de s'en faire donc, il était désormais temps de se concentrer sur leur tâche qu'elles effectueraient à deux à en croire la brune comme la blonde :

« Tout se passera bien, t'as pas de soucis à te faire pour nous. On y va, on prend mon grimoire et on revient sans s'attirer un seul problème. Si on avait pu, crois-moi, j'aurai été rassurée de te savoir avec nous. Mais tu m'aides déjà beaucoup en me trouvant une date. »

Et Zachariah il n'avait pas le droit à un peu de si jolis mots ? Qu'il se débrouille ! Le seul moment où elle voudrait le voir non loin d'elle, c'était pour admirer la seconde où il rendrait son dernier souffle et la graver à jamais dans sa mémoire.
De toute manière, Charlotte aurait l'air un peu ridicule à complimenter le mal alors qu'il n'avait pas manqué de montrer les préjugés qu'il avait contre elle. Non, il était beaucoup plus amusant de provoquer un peu l'idiot en passant sa main au dessus de lui pour prendre celle de son aîné et la serrer doucement dans la sienne, un doux sourire sur ses lèvres.
Maintenant que l'affaire était conclue, du moins pour elles, il ne restait plus qu'à préparer ce petit voyage. Quelques petits préparatifs étaient indispensables comme se mettre au goût du jour de cet hier. Elles n'allaient tout de même pas débarquer habillées de la sorte si elles comptaient passer un minimum inaperçues. Relâchant la main de celui qui lui appartenait à son avis, elle avait quitté le canapé dans un regard pour Eva :

« On devrait passer par chez moi pour prendre quelques affaires le temps que Philip nous trouve la date exacte. On repassera par là ensuite. Pas un mot à ma grand-mère, je ne suis pas certaine qu'elle approuve l'idée. »

Encore moins quand elle n'était pas réellement en danger de mort et pas au courant de la splendide mise en scène de... son ancêtre.