La prochaine fois, il n’y aurait plus que lui. Il y aurait bien un « nous », mais il n’englobait absolument pas Zachariah. Voilà le genre de pensées qui lui avait traversé l’esprit aux paroles de Philip. Une pensée qui l’avait mis suffisamment de bonne humeur pour qu’un sourire n’étire ses lèvres. Bientôt. C’était pour bientôt. Tous les deux, ensemble, pour l’éternité sans personne pour venir mettre une ombre au-dessus de leur bonheur. Elle n’y croyait pas, elle en était certaine. Il lui faudrait peut être amené quelques arguments, mais il la suivrait au bout du monde.  Il l’aimait toujours. Elle était prête à pardonner. Son avenir était définitivement celui qu’elle avait souhaité.
Est-ce qu’elle, la puissante sorcière, avait réellement l’air si fatiguée que ça ? Sûrement… mais sûrement pas pour la seule raison évidente qui devait apparaître à Philip en cet instant. Faire un bond dans le passé aussi important, il était certain que ça demandait pas mal de pouvoirs. Mais le faire en traînant un boulet à l’intérieur, ça l’était encore plus. Elle serait bien partie régler ce problème gênant tout de suite si l’attitude du gardien ne lui avait pas donné envie d’en profiter un peu. Passer à côté d’un moment avec lui… non… Charlotte pouvait bien attendre un peu. Elle n’était pas au mieux de sa forme non plus de toute manière, en fait, elle était même plus fatiguée sans aucun doute :

« On peut dire que tu sais complimenter une femme ! »

Sans se faire prier, elle s’était laissée guider vers la chambre de Philip et avait su résister à la tentation de se retourner pour voir la tête que pouvait bien avoir le petit frère. Avec un peu d’imagination, ce n’était pas si dur de deviner. Et non, il ne devait pas être ravi, mais il pourrait toujours se consoler avec sa petite amie qu’elle avait été assez gentille de ramener dans son époque.
Une fois dans la chambre du gardien, son regard s’était promené pour la visiter. Pour elle, comme pour Charlotte, c’était la première fois qu’elles venaient ici. Et heureusement, sa descendante était interdite de ce lieu. Bref, on ne pouvait pas dire que Philip manquait d’originalité dans sa décoration. Ce n’était pas dans toutes les chambres, même dans celles de ce temps-là, qu’on voyait des armes à disposition. Et elle ne parlait même pas des parchemins et autres vieux papiers en tout genre. D’eux, elle s’en souvenait… il avait toujours eu tendance à laisser traîner quelques trucs typiquement de gardien :

« Visiblement, tu sais aussi rendre ta chambre accueillante ! »

Si le sourire qu’elle avait eu en se tournant vers lui était davantage parce qu’elle se rappelait le bon vieux temps que parce qu’elle se moquait, il n’y avait pas de grande différence. De toute manière, son petit jeu d’actrice était parfaitement sécurisé maintenant. Et même sans lui… la tentation de lui dire la vérité l’avait prise de nouveau quelques secondes plus tôt dans le salon. Non, elle ne le ferait pas, poussée par le sentiment qu’il serait heureux de la savoir de retour. Elle avait beau être certaine désormais que c’était Emily qui le faisait se rapprocher de Charlotte, elle ne voulait pas prendre de risque avec le plus jeune dans les parages.
Mais est-ce qu’elle ne pouvait pas au moins profiter un peu plus de cette ressemblance parfaite entre elles ? Manifestement si, autrement comment expliquer cette main posée sur le torse de Philip ? Joueuse jusqu’au bout, le sourire avait laissé place à de l’hésitation, comme si elle se retenait de lui dire quelque chose. D’accord, peut-être qu’il n’apprécierait pas forcément le petit jeu auquel elle s’était livrée par la suite, mais tout ça serait vite effacé avec le bonheur de la retrouver.

En effet, ce n’était pas sa meilleure tentative de charme. Mais nous pardonnerons à Philip et sa maladresse en mettant le tout sur le compte des trois bouteilles englouties —pas tout seul, nous estimons important d’en faire mention… ok il n’était même pas 17h… mais pas tout seul !— sur la fatigue due à l’inquiétude —soyons franc, ce n’était pas dans ses habitudes de s’asseoir dans un coin, ne rien faire et attendre… d’où, en partie, les trois bouteilles — et sur l’arrivée surprenante, intempestive et, surtout, musclée d’un gigantor venu d’un autre temps. Oui bon… on pouvait aussi juste dire que Lip était con, au choix.

« L’un de mes plus grands talents! »

Petit sourire mi-ironique mi-désolé à l’appui, l’immortel conduisit la jeune sorcière jusqu’à sa chambre avec l’idée naïve de lui offrir son lit pour un brin de repos. S’il pouvait sentir sa boite crânienne brûlée avec plus d’incandescence que l’antre brouillonnant d’un volcan —nous exagérons si peu— il fit le choix judicieux, ou stupide et entêté à vous de voir, de ne pas s’en préoccuper. Il ne faisait rien de mal, nom d’un behobaxahl impuissant ! —et si la vue behobaxahl était quelque chose qu’on ne voyait pas tous les jours, on vous laisse imaginer ce que c’est s’il éprouve de petites défaillances techniques…
Passant la porte, une main toute innocente —quoi qu’en pense Zach— dans le dos de Charlotte, Lip dut se rendre à l’évidence que son domaine privé n’avait rien de particulièrement… cozy.
Un jour, lorsque le monde saurait les prouesses accomplies en siècles et re-siècles d’évitement apocalyptique, les chercheurs pourront dire : voici la chambre typique d’un gardien de l’équilibre. En attendant, les termes appropriés seraient gros bordel et collection d’armes anciennes et insolites la plus mal rangée de l’histoire de l’humanité.
Les parchemins, les manuscrits, les ouvrages rares, les journaux de notations, encore, ça pouvait passer et Lip donnerait le change en matière d’érudit un peu zarbi qui fantasmait sur des sujets à dormir debout. La présence d’épées, poignards, croix et autres babioles, dont certaines en argent, sans compter les quelques armes à feu —il faut vivre un peu avec son temps— offrait un tout autre genre décoratif au fouillis —organisé, s’obstinera Lip si on lui demande— du gardien.

« Ouais, ça, par contre, c’est pas mon plus grand talent. »

Il s’empressa d’ailleurs de pousser le fléau qui trainait sur son lit en direction du mur et l’arme médiévale alla s’effondrer par terre dans un petit boucan que l’on pouvait juger de lourd et violent. Il tapota ensuite rapidement le matelas pour évaluer si, oui ou non, il s’y cachait encore un truc susceptible de rendre inconfortable le repos de la sorcière.
Repos qu’elle ne semblait prête à prendre dans l’immédiat si on en croyait la main posée, de manière plutôt suggestive, sur le torse de Philip lorsque celui-ci eut terminé son petit manège.

« Tu… hum… »

Perdait-il réellement ses moyens si facilement que ça ?
D’abord, cette femme —ou son apparence du moins— avait toujours eu un effet incontrôlé pour l’immortel. Ensuite, avec Zach dans la pièce à côté, c’était déjà un poil plus malaisé.
Posant une main sur celle de la brune, il aurait normalement dû la retirer de là sans plus attendre, mais c’était sans compter sa peau douce qui donnait envie d’être caressée et son pouce s’attarda de lui-même à cette tâche… stupide pouce !

« Si le lit manque de confort, c’est que t’auras retrouvé la flèche d’un copain que je cherche depuis avant-hier. »

Ce copain étant une tueuse amochée qui était venue lui demander de trouver d’où cette flèche sortait, mais ça, Charlie n’avait pas besoin de le savoir. Pourquoi avait-il dit copain au lieu de copine d’ailleurs ? —inutile de poser la question, le cerveau de cet homme n’était pas franchement opérationnel en ce moment.

Pendant plusieurs secondes, elle avait laissé son regard se promener sur les éléments typiques nécessaires à la composition d’une chambre de gardien. Pour toute réponse à sa réplique, un sourire amusé était venu se poser sur ses lèvres tandis qu’elle se tournait vers celui qui partagerait bientôt, de nouveau, son existence… pour l’éternité. A quoi ressemblerait leur vie ? Cette question, elle se l’était déjà posée des années auparavant. Son image de leur futur à deux, certains, pour ne pas dire beaucoup, la qualifierait d’égoïste. Pourquoi ? Parce qu’elle ne le voyait pas continuer à sauver l’humanité quand il l’aurait elle, à ses côtés, pour l’éternité. Quoi ? Il ne tenait tout de même pas à jouer au héros jusqu’à la fin des temps ? Il faudrait bien un jour pour raccrocher l’épée et laisser aux autres le soin de dévouer leurs vies à la sauvegarde de celles des autres. Il y avait bien Zachariah, mais pour le temps qu’il lui restait avant de croiser la route d’un géant viking !
Bref, oui, elle ne le voyait pas vraiment continuer son truc de gardien. Pas par égoïsme mais plus par amour pour elle. Alors par prétention en somme ? Disons par réalisme, retrouver un amour perdu, ça valait bien que l’on autorise notre vie à tourner autour de celui-ci.

D’accord, il y avait peut-être un moment où ce côté héroïque lui avait plu, autrement pourquoi lui avoir offert son aide dans le passé ? Mais elle avait changé. Le bon n’était plus si bon et surtout faible, le mauvais plus si mauvais et avait gagné de l’attirance de par la force qu’il pouvait offrir. Si malgré ses origines, il avait trouvé le moyen de lui faire la morale, c’était uniquement la faute d’un cadet qui penchait du côté des faibles de la balance.
Mais ici, la question avait laissé sa place à de la certitude. Oui, elle ne manquait décidemment pas d’assurance et ceci malgré cette main posée sur un torse avec hésitation. Silencieuse, presque timide, elle avait évité de croiser son regard les premières secondes avant que la main du gardien ne vienne rencontrer la sienne. Là, comme si "hésitation" était un mot qui faisait partie de son langage, elle avait permis à son regard de croiser le sien l'espace de quelques secondes avant de le baisser vers cette main qui tenait la sienne.

« Une flêche hein ? Je vois qu'en plus d'aimer vivre dangereusement, t'aimes dormir de la même manière ! Tout à fait mon genre ! »

Quoi ? Ce genre de remarques, n'était-ce pas tout à fait le style de Charlotte ? Si son hôtesse était un peu trop fatiguée pour se joindre à eux, sans doute trop essoufflée par ses tentatives d'intervention multiples au cours d'un voyage qui n'avait rien de reposant, elle avait en revanche trouver assez d'énergie pour mener cette nouvelle "attaque".
Relevant de nouveau les yeux vers le gardien, la sorcière avait laissé l'audace de côté pour repartir de plus belle dans le mode "violons" :

« Philip... est-ce qu'on est vraiment obligés de plus se voir ? »

Lentement, elle avait levé sa main libre jusqu'au visage de Philip. Avec douceur, elle avait effleuré sa joue alors que les mots continuaient leur offensive :

« J'ai l'impression que... tu vas trouver ça idiot... » se mordant la lèvre comme si la honte la submergeait intérieurement, elle avait mis plusieurs secondes avant de terminer sa phrase « ... ma place n'est pas ailleurs qu'ici avec toi...»

Un nouveau oscar ? ça le valait définitivement. Mais quelque part, ceci n'était que vérité. Il était fait pour être avec elle. Pas elle de ce temps présent bien sûr... mais elle, celle qu'il avait toujours aimé et n'avait jamais été capable d'oublier.

Cette torture était la pire qu’il n’avait jamais connu. Et il n’avait pas besoin de compter les neufs siècles entiers de son existence pour trouver des moments où la torture s’était avérée bien plus sanglante que ça ! Aujourd’hui, la torture résidait dans la retenue dont devait faire preuve Philip. Il ne fallait pas. Il ne devait pas. En réalité, il s’attendait à ce que Zach vienne le tirer hors de cette chambre d’un instant à l’autre… mais Zach ne vint pas. Le petit frère avait très certainement choisi son pire moment pour décider de se mêler de ses affaires.
Peu étonnant lorsqu’on y réfléchissait deux secondes. Le cadet avait sa propre distraction blonde pour l’empêcher de venir jouer les troubles fêtes. Si cette fille n’était pas venue les prévenir de la mort imminente de Zach, Lip aurait fait le choix de ne pas l’apprécier.
Parce que sans Zach, comment résister à cette main sur sa joue ?

En ultime recours, Lip ferma les yeux. Peine perdue, l’instant suivant son front entrait en contact avec celui de Charlotte.
Sa place n’était pas ici avec lui. Elle était chez-elle, avec sa grand-mère, maintenant qu’elle avait ce qui lui fallait pour lui venir en aide. Sa place était partout sauf près de lui. Là où il ne pourrait pas éveiller en elle la même soif de ténèbres et de puissance qu’il en avait résulté pour Emily.
C’était ce qu’il devait dire. Ce serait dur, mais c’était la bonne chose à dire.
Il ouvrit de nouveau les yeux. Comme les fois précédentes, toute motivation s’évapora lorsqu’il croisa son regard chocolat.

Dans ces habits, elle était d’autant plus troublante. C’était comme si c’était lui qui avait été projeté dans le passé. Un passé agréable où la noirceur n’avait pas encore envahi l’âme de sa douce Emily. C’était d’autant plus mal. Charlotte était trop comme son ancêtre pour ne pas emprunter le même chemin. C’était d’autant plus important de disparaître de sa vie et, même là, rien ne disait qu’elle ne finirait pas comme son aïeule…
Mais Lip était idiot aujourd’hui. Il avait but trois bouteilles.
Et Zach ne venait toujours pas.

Son front toujours contre celui de la jeune femme, il n’eut qu’à étirer un peu le menton pour atteindre ses lèvres.
Lorsque viendra le moment de pointer un coupable, sachez que le doigt de Lip se tournera vers Zach. Parce que le petit frère n’est jamais venu.
Ni avant, ni pendant, ni après ce baiser qui se transforma rapidement en un échange plus fiévreux.
Sans demander la permission, ses mains partirent à l’aventure. Et si un homme du vingt et unième siècle aurait pu être désemparé devant les jupes et les corsets lacés, Lip, lui, savait encore quoi faire avec ce type de vêtements. C’était comme manier une lame, en près d’un millénaire, certaines choses ne s’oubliaient pas, il suffisait d’un simple contact pour raviver la mémoire et la dextérité qui venait avec elle.

La poussée de protestation intérieure, Emily n'avait pas eu trop de mal à faire semblant de ne pas l'entendre tant le petit voyage avait mis un peu de sourdine à cette gêne qui ne serait bientôt plus que de l'histoire ancienne.
A dire vrai, la seule chose qui lui avait fait penser à Charlotte, c'était la satisfaction de lui faire ressentir, une fois de plus, qu'elle n'avait pas sa place ici, qu'elle n'avait rien à s'approprier. Oui, dans son esprit un brin torturé d'esprit, la vie de sa descendance était en fin de compte la sienne, sa seconde chance.

Et cette occasion de faire mieux commencer ici, avec Philip. En récupérant ce qui était sien. D'accord, elle ne faisait pas les choses dans l'ordre. En règle générale, on s'assurait d'abord de se débarrasser des gêneurs. Mais plus que l'assurance de la réussite, il y avait le désir pour vous faire emprunter un chemin qui sortait du plan parfait.
Dès que ses lèvres avaient retrouvé les siennes, elle avait sentit la chaleur de cette passion du passé renaître. Et pour un peu, elle en aurait presque oublié que cet homme là l'avait tué une fois. Ce n'était certainement pas tous les jours qu'on se collait à son meurtrier pour réduire l'espace entre vos deux corps, comme s'il était toujours trop important.

Sans quitter les lèvres du gardien une seule seconde, ses mains étaient descendus de sa nuque pour se poser sur son torse. Femme d'une autre époque ou pas, elle n'avait pas hésité une seconde, jugeant cette couche de vêtements gênante, ses mains s'étaient glissés sous son haut, effleurant quelques secondes, le temps de le lui retirer pour rendre le contact de ses doigts sur sa peau nue plus agréable.
Quittant alors ses lèvres, elle n'avait fait que savourer ce contact pendant quelques minutes, laissant ses doigts se promener en terrain connu, avant de se lasser, de vouloir plus. Avide, manquant de patience, elle n'avait pas attendu une invitation pour le repousser sur son propre lit après avoir desserré son pantalon, un sourire mutin sur les lèvres.
Après toutes ces années, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle ne le rejoigne. Sorcière ou pas, elle n'avait sans aucun doute pas la force de mener ce petit jeu de position supérieure, mais ça ne l'avait pas empêché d'emprisonner ses poignets dans ses mains, au même titre que ses lèvres.

Les jeux sont faits ? C’était comme ça qu’on disait, non, quand le mec de l’histoire était foutu ? Parce que Lip l’était, foutu. Il était dans cette chambre, sur ce lit, seul avec sa kryptonite et son frère avait décidé de le laisser se dépêtrer tout seul avec sa faiblesse. Ne savait-il donc pas depuis les années qu’il ne fallait pas faire ça ? Faire confiance au gardien lorsqu’il s’agissait de cette sorcière —ou plutôt d’une sorcière possédant ce physique— n’était pas une bonne idée. Pire, c’était la plus mauvaise histoire de toute l’histoire des mauvaises idées. Et ce serait de la faute de Zach, Lip n’avait même pas honte de déjà le penser tandis que les lèvres de Charlie s’employaient à un doux supplice.
Cette bouche-là, elle pouvait lui faire tout ce qu’elle voulait. Et lui faire faire tout ce qu’elle voulait par la même occasion.

Les doigts perdus au milieu des lacets à défaire, Philip n’avait pas besoin de réfléchir à ce qu’il faisait —quoi qu’il fût évident que la raison avait complètement déserté le mi-démon—, ses mains oeuvraient en expertes. Après tout, l’immortel avait eu plus souvent  à faire avec les corsets qu’avec les soutiens-gorges !
Et si Zach trouvait que c’était le moment de venir interrompre son frère et le rappeler à l’ordre, eh bien, il était trop tard ! Il fallait y penser deux minutes avant quand les vêtements n’étaient pas en train de tomber sur le sol tout autour du lit. Les vêtements ne feraient qu’ajouter un peu plus de caractère à la pièce déjà peu ordonnée, mais nous avons dans l’impression qu’à cet instant le désordre ne serait pas ce qui attirerait l’attention d’un visiteur quelconque.
Les corps nus et enlacés faisaient davantage leur effet.

Faire l’amour avec Charlie était à la fois troublant, surprenant et lui ramenait en mémoire des souvenirs jamais oubliés. Il n’avait jamais pensé que ce serait si… identique. Parce que oui, son esprit s’était égaré sur la question une fois ou deux, lorsque Zach n’était pas là pour le regarder avec son trop plein de jugement.
Ce n’était pas cette impression de déjà vu qui tournait différemment, non, cette fois-ci, il s’agissait d’un réel déjà vu qui s’enchainait précisément de la même manière. Un détail qui, tout à la fois, le frappa et ne l’intéressa pas du tout. Il en avait conscience, mais ne voulait pas s’y attarder.
Pas maintenant.
Peut-être même jamais.
Parce que les secondes chances n’étaient pas aussi récurrentes qu’on pourrait le croire. Parce que pour la première fois depuis longtemps, Lip avait la sensation de respirer sans qu’un étau ne lui serre la poitrine. Un instant, ce simple instant, la tragédie n’avait pas eu lieu. Il faisait corps avec son amour de plus d’une vie et le drame n’existait pas. Le poids du remord non plus. Il n’avait pas à la chercher dans les yeux ou les gémissements de sa partenaire. Elle était là, partout. Dans ses caresses, dans ses regards, dans ses sourires, dans ses sons.

Emily, vivante. Sous lui et dans ses bras.
Comme s’il n’avait jamais eu à la voir mourir de ses mains.
Son Emily.

Depuis son retour, ou plutôt depuis son retour dans la peau de sa descendante, elle avait été maîtresse de tout. Avec plaisir, elle avait tout contrôlé, tirant satisfaction à chaque partie accomplie exactement comme elle l'avait planifié. De la chose la plus insignifiante comme se mettre la vieille dans la poche, à son voyage dans le temps. Même si celui-ci n'était pas planifié, pas plus que la présence d'une blonde. Elle avait su justement rebondir et dominer la situation, goûtant avec joie à ce sentiment de supériorité qui lui revenait de droit.
Mais là.
... elle avait bien prévu de le récupérer aussi, d'une certaine manière, sous certaines conditions, après en avoir tiré quelques remords, tué son frère, quelques petits détails du genre. Mais elle n'avait certainement pas prévu de lâcher prise.

Elle ne savait pas trop à quel moment elle l'avait fait, à quel moment elle avait perdu le contrôle de la situation pour simplement en profiter. Entre deux baisers, ou lorsque les choses étaient devenus un peu plus intimes. Elle imaginait que ça n'avait pas tant d'importance que ça. Même elle pouvait bien se laisser gagner par les sentiments. Il lui appartenait déjà, elle ne risquait pas grand chose. A jamais, bientôt liés.
Soufflant son plaisir à son oreille pour la mordiller la seconde d'après, elle avait retrouvé chaque partie de lui comme des siècles en arrière.

Elle n'y avait réfléchit que plus tard, allongée contre lui à lutter contre le sommeil et l'abandon qu'elle ne pouvait pas accepter.
Rester là lui avait traversé l'esprit. Oublier un peu tout ça, tout ce qu'elle avait désiré depuis tant d'années, pour simplement l'aimer un peu plus avant de penser aux urgences. A plusieurs reprises, tandis que la fatigue la gagnait, elle avait refusé de le rejoindre dans le sommeil.
Elle aurait tout le temps pour ça. Ce n'était pas le moment. Avec difficulté, elle avait retrouvé un semblant de conscience. Une dernière fois avant que se séparer ne soit plus utile, elle avait passé une main sur le visage du gardien. Bientôt et à jamais. C'était cette promesse qu'elle avait gardé en tête en quittant l'appartement des Cooper comme une voleuse après avoir ramassé ses vêtements remis à la hâte.